20/09/2010

Désert

Désert


Lavinis et Xyla traversèrent à nouveau la région aride aux mille pointes rocheuses jusqu’à arriver à un grand désert blanc. Le vent soufflait bruyamment, soulevant des amas nacrés qui retombaient lourdement au sol.
-          Quoi est-ce ? demanda Xyla.
-          Je n’en sais rien … je n’ai jamais rien vu de tel, répondit Lavinis avec une pointe d’inquiétude.
Elle sortit sa carte pour se repérer et pointa du doigt une grande étendue blanche.
-          Nous sommes aux Salines. C’est la dernière ligne droite avant d’arriver à Gadgetzan.
A ces mots, Xyla sentit son cœur s’emballer. Elles seraient bientôt arrivées chez les gobelins et ils pourront réparer Kolzy. Avec légèreté, Xyla s’avança dans le désert blanc, suivie de près par Lavinis qui avait tendance à être encore plus sur ses gardes depuis qu’elle avait été blessée.
-   Tout doux, Xyla. On ne connait pas bien le chemin.
-          C’est pas compliqué, c’est tout droit ! répondit Xyla en montrant le chemin balisé.
Plus elles s’enfonçaient et plus elles avaient du mal à discerner ce qu’elles avaient devant elles, tant l’épaisseur de cette poussière blanche était dense. Xyla, qui ouvrait toujours la marche, s’arrêta soudainement pour scruter l’horizon.
-          Tu as vu quelque chose ? lui demanda Lavinis.
-          Oui, je crois qu’il y a quelqu’un devant nous.
Deux grandes silhouettes sortirent soudain du brouillard et s’avancèrent vers elles. Lavinis sortit immédiatement son arme en reconnaissant une des races appartenant à l’Alliance : les elfes de la nuit. Si proches des elfes de sang par l’apparence mais que tout oppose par les idéaux. Lavinis avait appris à les haïr depuis son enfance et cette haine coulait en son sang. Alors qu’elle s’apprêtait à les charger, Xyla accourut vers eux, les bras ouverts.
Le premier elfe de la nuit, qui se tenait plus en avant avait une longue chevelure argentée et des yeux aussi brillants que des joyaux. Il était habillé d’étoffes qui semblaient aussi légères que le vent et aussi douces qu’une caresse. Malgré sa grande taille, il paraissait incarner l’agilité du félin. Sa corpulence traduisait un mâle dans la fleur de l’âge. Derrière lui, se tenait l’autre elfe de la nuit, plus fine, aux traits encore plus délicats. Elle avait de longs cheveux tressés, d’une couleur particulièrement originale puisqu’ils étaient d’un bleu nuit intense, bleu qui se reflétait également dans ses yeux qui semblaient anticiper les moindres mouvements de ses ennemis.
L’elfe aux cheveux argentés prit la forme d’un félin au pelage aussi clair que la lune, dans l’espoir de faire fuir la taurène. Mais Xyla reconnut là un ami, un druide, et courut de plus belle vers eux. Voyant que la taurène ne s’arrêterait pas, la seconde elfe ferma les yeux un court instant pour se concentrer, joignit ses mains et focalisa sa puissance sur son ennemie. Xyla sentit un cri terrible se propager dans son esprit. Elle stoppa net son élan, vacilla et chuta lourdement à terre, répandant une épaisse poussière blanche autour d’elle. Lavinis, qui était restée à bonne distance, reconnut là l’œuvre d’une prêtresse. Elle rejoignit rapidement Xyla pour la protéger. Cette dernière était recroquevillée sur elle-même, prise de terribles convulsions. De rage, Lavinis se jeta sur le premier elfe à portée : le druide. Elle lui abattit sa masse sur le corps mais avant même de pouvoir le toucher, ce dernier s’était dissipé dans le blanc du paysage.
-          Montre-toi, lâche !
Elle eut le temps de prononcer ces mots et se retrouva face contre terre, sous le poids d’une patte massive. Un autre félin blanc se rua sur le druide qui écrasait Lavinis et l’envoya à plusieurs mètres ; Xyla s’était relevée instantanément en voyant son amie en difficultés. Elle redressa la tête et grogna en direction de la prêtresse qui joignit à nouveau calmement les mains, avec un sourire de satisfaction. Reconnaissant les mouvements, Xyla se précipita vers elle, bondit et s’effondra à nouveau au sol, dans un hurlement de douleur. Un cri effrayant se propageait à nouveau dans son esprit ainsi que dans celui de Lavinis. De colère, Xyla se releva plus rapidement que la fois précédente. La prêtresse fit une grimace et chercha son compagnon du regard. L’elfe druide, plus lâche que la prêtresse, s’était déjà encouru bien loin, laissant ainsi sa compagne à la merci des ennemis. La prêtresse pesta dans une langue étrange, fixa Xyla dans les yeux plusieurs seconde et s’enfuit à toutes jambes.
-          Pourquoi tu ne l’a pas retenue ? cria Lavinis qui aurait bien voulu déverser toute sa haine sur la prêtresse.
Xyla se retourna lentement vers Lavinis, l’air béat.
-          Retenir qui ?
-          Mais l’elfe de la nuit, la prêtresse !
Xyla parut réfléchir un instant.
-          Mais il n’y avait personne…
-          Maudite prêtresse ! pesta Lavinis en donnant un grand coup de pied dans le vide.

* * *

Xyla et Lavinis arrivèrent enfin au bout du chemin balisé. Devant elles, un tracé sinueux grimpait la hauteur qui embrassait les Salines. Xyla était restée silencieuse pendant le reste du trajet. Lavinis qui commençait à s’en inquiéter, posa une main sur l’épaule de la taurène.
-          C’est n’est pas grave, tu sais. La mémoire va te revenir, ce n’est que temporaire.
-          C’est pas ça …
-          Qu’est-ce donc ?
-          Je pensais qu’ils étaient tous comme mon Maître druide. Pourquoi ils nous ont attaqués ? Je ne leur voulais pas de mal.
-          Sache que le monde n’est pas aussi beau que tu le crois. Nous sommes en guerre contre l’Alliance et les elfes de la nuit en font partie.
-          Mais pourquoi j’ai un ami de leur race alors ?
-          Les druides ne sont pas tous neutres. Il en est qui préfèrent la voie du sang.
Xyla fit une triste mine en comprenant cela. Elle n’imaginait pas que les druides puissent se battre entre eux.
Elles arrivèrent finalement en haut du chemin qui se déversait sur Gadgetzan. La ville des ingénieurs était entourée d’une muraille de pierre lisse et couleur crème. A l’intérieur, des petites huttes s’éparpillaient ça et là et une grande cage faite de bois et de fer dominait le centre de la ville. L’entrée était surmontée d’un gigantesque outil gobelin, symbole et fierté des habitants.
Xyla se retourna vers Lavinis et sourit à nouveau.
-          On est arrivé !
Elles descendirent le chemin en toute hâte, chacune poussée par une motivation ; Xyla de pouvoir faire réparer Kolzy et Lavinis d’enfin pouvoir se reposer et manger autre chose que de la poussière. Mais si Lavinis fut déçue de constater qu’elle sortait d’un désert salé pour entrer dans un désert sablé – et continuer à manger de la poussière –, sa déception ne fut rien face à celle de Xyla.
-          Désolée, je ne peux rien faire pour vous, ce robot est complètement obsolète !
-          Mais, vous pouvez le réparer avec tous vos outils ! tenta Xyla, le cœur serré.
-          Non, je ne peux rien pour vous et puis même si je pouvais, ça me prendrait du temps et le temps, c’est de l’argent !
Le gobelin considéra Xyla de ses petits yeux rouges puis se détourna pour retourner à ses occupations.
-          Laissez-moi maintenant, j’ai du travail.
Xyla sortit de la maison en traînant les sabots, serrant son petit robot inanimé contre elle. Lavinis l’    avait attendue à l’extérieur.
-          Alors ?
-          Il ne peut rien faire …
-          Il ne veut rien faire, oui ! Je vais aller lui parler.
-          Non … Il ne changera pas d’avis.
Xyla essuya ses larmes et inspira profondément.
-          Je pense qu’il faut que je lui dise adieu maintenant.
Lavinis posa une main douce sur le bras de la taurène, chercha quelque chose à lui dire mais rien ne vint. Elle se contenta de lui afficher un sourire triste.
Xyla sortit de la ville et chercha un coin tranquille où elle enterra Kolzy. Lavinis se tenait derrière elle, respectant le choix de son amie et son silence. Avant de l’ensevelir, Xyla récupéra un des boulons de Kolzy pour le monter en pendentif. D’une certaine manière, elle aurait toujours la présence de son robot près d’elle.
Elle tapota doucement le sable qui recouvrait à présent Kolzy et resta assise plusieurs minutes, toujours silencieuse.
Lavinis sentit son cœur se serrer en voyant Xyla dans un tel état. Elle décida enfin de relever son amie et de la conduire à l’auberge pour qu’elle s’y repose.

* * *

Les jours suivants furent maussades tant pour l’une que pour l’autre. Lavinis s’était déjà fort liée à Xyla et pour la première fois, elle se sentait affectée par l’humeur de quelqu’un d’autre. Se sentir apathique de la sorte la troublait et à cela s’ajoutait la tristesse de voir son amie couchée toute la journée dans un lit, à fixer le plafond de l’auberge en poussant de petits mugissements.
-   Xyla, allons faire un tour. J’ai entendu dire qu’il y a un port pas loin d’ici. On pourrait aller voir la mer, elle est d’un bleu turquoise splendide, à ce qu’il parait.
-          D’accord, répondit Xyla avec mollesse.
Le vent était calme ce jour-là et on y voyait clair. Au contact du sable chaud sur ses sabots, Xyla sortit de sa léthargie et un mince sourire s’afficha sur son visage.
-          Tu seras contente de voir la mer, lui dit Lavinis, heureuse d’enfin voir Xyla sortir de la ville.
Le chemin traçait tout droit, avec quelques méandres pour contourner les rochers qui s’élevaient du sable. Bien vite, elles aperçurent la silhouette des palmiers, au loin et l’odeur salée de la mer vint à leur rencontre. Un souffle de sable chaud les poussa dans le dos, accélérant leur marche vers la mer.
-          La dernière fois que j’ai vu la mer, c’était parce que j’étais poursuivie par des yétis et je me suis retrouvée dans la boue …
-          C’était la première fois que tu voyais la mer, non ?
-          En effet.
-          Tu verras, celle-ci est vraiment belle, presque autant que la mer qui berce les côtes de la terre des elfes de sang.
Le port de Gentepression était assez ridicule face à l’image que Lavinis s’en faisait. Seules quelques petites maisons gobelines, ressemblant à des œufs enfoncés dans le sable, s’affrontaient face à face, laissant un étroit chemin qui descendait sur la mer. Un quai de fortune avait été construit avec quelques planches de bois et faisait résonner le faible clapotis des petites vagues. Xyla s’émerveilla devant ce spectacle ; une plage de sable jaune et chaud, à l’ombre des palmiers, qui embrassait une mer turquoise. La plage était habitée par quelques tortues de la taille d’un ours mais elles semblaient plus se préoccuper de leur sieste au soleil que des deux étranges créatures qui s’approchaient.
Lavinis s’arrêta un instant pour contempler l’immense étendue d’eau et inspira profondément l’air salé qui s’en soulevait. Elle s’assit à terre pour profiter du paysage et du repos qui s’offraient à elle.
Xyla, quant à elle, entreprenait une tâche merveilleuse à son goût : creuser un trou ! Dans toutes les formes possibles, creuser, creuser, creuser ! Envoyer du sable en l’air, le sentir retomber sur elle, s’ébrouer et ensabler Lavinis et encore creuser. Bien vite, elle disparut entièrement dans son trou et Lavinis put enfin souffler et s’allonger dans le sable mais toujours bien à l’ombre car elle se devait de préserver la pâleur de sa peau, signe distinctif de son rang, de sa noblesse.
-          J’ai trouvé quelque chose ! hurla Xyla du fond de son trou.
-          Un trésor, j’espère ? rétorqua Lavinis non sans une pointe de sarcasme.
-          Oui, un coffre !
Lavinis bondit sur ses pieds et accourut vers le trou dans lequel s’était engouffrée Xyla.
-          Montre ! dit-elle en tendant le bras dans le trou.
Xyla lui tendit le petit coffre en bois et remonta d’un bond agile à la surface.
-          Il est verrouillé mais je devrais avoir une clé de réserve pour l’ouvrir, la serrure n’a pas l’air compliquée.
Elle sortit un trousseau de clés diverses de son sac, en essaya plusieurs et finit par réussir à forcer le verrou. Le coffre s’ouvrit dans un « clic » sonore.
A l’intérieur, il y avait un grand bout de parchemin plié. Lavinis le prit délicatement et l’ouvrit. Une carte, tracée grossièrement, indiquait une plage située au sud du désert. Sous la carte, un texte écrit dans la langue de Lordaeron.
Les elfes de sang apprenaient à lire de nombreuses langues dans leur éducation et Lavinis fut soulagée de reconnaître là des mots qui lui avaient été enseignés.
-          Ca dit quoi ? demanda Xyla en se penchant sur son amie.
-          C’est une énigme, je crois… Je vais te la lire, écoute bien :

« Au sud de Gentepression, avec raison
Au sud de la maison
Trouvez un drapeau, un mât et des os
Creusez ici, si vous l’osez
Creusez et gagnez l’or de Cuergo !
Une clé il faut et une clé vous verrez
Les hommes d’en face il faudra tuer. »

-          On va trouver un drapeau, un mât et des os ? Qu’est-ce qu’on va bien pouvoir faire avec ça ? demanda Xyla qui n’avait pas très bien compris l’énigme.
-          Non, on va trouver de l’or ! Le vrai trésor se trouve là-bas !
-          Allons-y alors ! Mais c’est moi qui tiens la carte, cette fois !
Lavinis céda la carte à Xyla, avec une pointe d’angoisse.
-          Bien, en route …

* * *

-          Sud, c’est sud, je nous ai conduites au sud !
-          Apparemment pas le bon sud puisqu’il n’y a aucune plage ici, que des montagnes ! Donne-moi la carte maintenant.
-          Non, je suis sure que je nous dirige très bien, c’est pas ma faute si des montagnes ont poussé.
-          Bur ?
-          Hein ?
-          Quoi ?
Lavinis et Xyla se retournèrent pour découvrir qui s’était immiscé dans leur dispute. Devant elles se tenait une grosse tortue aux écailles vertes et usées. Sa carapace était énorme et semblait terriblement lourde. Xyla s’approcha de la bête et la caressa pendant que Lavinis continuait sa dispute toute seule.
-          Pourquoi tu n’es pas avec ta famille ? demanda Xyla en grattant la tête rugueuse de la tortue.
-          Bur…, répondit cette dernière d’un air triste.
-          Vraiment ?
-          Buuuuur.
-          Tu veux qu’on t’aide à retrouver ton chemin ?
-          Bur !
Lavinis s’était arrêtée pour observer la scène d’un air médusé.
-          Je ne savais pas que tu parlais le langage des tortues !
-          Moi non plus, répondit Xyla en haussant les épaules. « Viens, on va l’aider à retrouver sa famille ».
-          Où siège sa famille ?
-          Aucune idée.
Lavinis leva les yeux au ciel et suivit Xyla, sans ajouter mot.
La traversée fut assez épique dans la mesure où la tortue semblait insister pour passer dans les endroits les plus dangereux et se faire voir d’animaux mortels tels des scorpions géants, des crocodiles aux dents aussi longues qu’un bras et autres folies… Finalement, l’escorte prit fin sur une jolie plage de sable jaune, à l’ombre des palmiers.
Lavinis n’ayant pas fait attention au trajet, sortit la carte au trésor dans l’espoir de se trouver sur la bonne plage.
-          Waaaaaaaah !
-          Qu’y a-t-il Xyla ?
-          C’est notre trou ! hurla cette dernière avec enthousiasme et joie.
-          Notre … trou …
Lavinis s’effondra à genoux sous le lourd poids du désarroi.

* * *

Lavinis réussit finalement à récupérer la carte au trésor et constata que le sud en question n’était pas à atteindre en traversant la région mais en la longeant par les côtes, ce qu’elles firent. Bien vite, elles se trouvèrent sur ladite plage où prônait, comme promis, un mât qui croisait le fer avec de grands ossements pointus. Au bout du mât pendait lamentablement un drapeau noir, en lambeaux. On devinait encore le dessin qui y avait été tracé, symbole universel des pirates.
Au pied du décor assez lugubre, se trouvait le coffre de Cuergo, à moitié enseveli par le sable.
-          Soyons sur nos gardes, Xyla. L’énigme parle d’hommes qui devraient protéger le trésor.
-          Il n’y a personne, pourtant !
-          Ils sont très probablement cachés.
Lavinis avançait prudemment, l’œil aux aguets et Xyla sur les talons. Elle était à présent suffisamment proche pour pouvoir toucher le coffre. Elle s’agenouilla mais avant même d’avoir pu déblayer le premier grain de sable, une lame aiguisée siffla et arrêta sa course plantée dans le mât, à quelques centimètres de Lavinis.
Xyla, qui s’était camouflée en forme féline dans le paysage, bondit sur le responsable et enfonça ses crocs dans son bras. Le pirate hurla de douleur, exprima un son sourd et s’effondra sur le sol sous le coup que Lavinis venait de lui envoyer dans le ventre. Trois autres pirates sortirent de nulle part et encerclèrent Lavinis et Xyla. Il s’agissait d’humains et pour elles, ils se ressemblaient tous : de taille moyenne, avec un visage laid, un corps laid et un rire de hyène.
Xyla frissonna et se serra contre Lavinis qui s’était déjà bien stabilisée dans sa position et attendait patiemment l’approche des pirates. Tout se passa comme au ralenti ; le premier pirate attaqua l’elfe de sang qui lui semblait être plus fragile qu’un félin. Grosse erreur de sa part puisqu’il fut réexpédié d’où il venait et bien plus rapidement qu’il n’en était venu. Le second, voyant son ami en difficultés, se jeta sur le félin pendant que le troisième s’avançait vers l’elfe. Le regard aigu de Lavinis repéra la clé accrochée à la ceinture du deuxième pirate. Elle tenta une approche – tant pour la clé que pour venir en aide à Xyla – mais le troisième pirate lui barra le chemin, l’épée tendue vers elle. Xyla profita du fait que ce dernier lui tournait le dos pour lui envoyer un coup de patte massive, après avoir soigneusement envoyé promener son ravisseur à plusieurs mètres derrière elle. Paniqués, les trois pirates prirent la fuite à la nage, laissant Lavinis et Xyla seules avec le coffre verrouillé et le premier pirate assommé.
-          Zut, dit Lavinis, on n’a pas récupéré cette maudite clé ! Et je crois qu’on peut toujours courir pour les revoir, ces poules mouillées.
Xyla afficha un sourire satisfait à Lavinis, devoilant une jolie clé rouge qu’elle tenait dans sa gueule.
-          Magnifique ! Tu es vraiment très habile !
Lavinis déblaya nerveusement le coffre, y inséra avec difficulté la clé, tant elle tremblait d’enthousiasme à l’idée de tout l’or qu’elles allaient y trouver. Un or de pirate. Un or brillant, clinquant, avec lequel elles pourraient s’offrir tout ce dont elles avaient toujours rêvé !
Le verrou grinça et s’ouvrit finalement. Les mains toujours tremblantes, Lavinis sépara le couvercle du reste du coffre. A l’intérieur, se trouvait une bouteille de rhum. Un rhum qui ne semblait pas tout à fait homogène. Lavinis le sortit du coffre pour mieux le voir à la lumière du jour et constata qu’au milieu du rhum flottait gaiement un ver.
-          C’est ça, l’or de Cuergo ? demanda naïvement Xyla.
-          Avec un ver … Je suppose que oui, répondit Lavinis en laissant tomber la bouteille dans le sable.
-          Cuergo ne devait pas être fort riche !
-          En effet, Xyla. Rentrons maintenant, il va faire nuit.

* * *

Assises à une table de l’auberge de Gadgetzan, Lavinis et Xyla avaient étendu une carte d’Azeroth et cherchaient l’endroit où elles pourraient se rendre. Xyla s’était à présent résignée à retrouver Ikhé, pensant plus sage d’attendre que leurs chemins se croisent à nouveau. Lavinis quant à elle n’avait plus aucune raison de retourner à Lune d’Argent et toutes deux ne pouvaient se résoudre à revenir à une vie bien rangée, bien que Xyla n’ait probablement jamais connu une telle vie…
Les soupirs s’allongeaient car aucune région ne les attirait vraiment. L’enseignement qu’avait reçu Lavinis avait entre autre touché la plupart des régions d’Azeroth car un elfe de sang ne doit jamais être surpris de ce qu’il voit. Aussi, cette lassitude avait tendance à prendre le pas au fur et à mesure de son avancement car tout se présentait toujours comme on le lui avait dit…
De son côté, Xyla était encore troublée par la perte de Kolzy et l’idée de ne probablement plus revoir Ikhé. En réalité, elle faisait semblant de s’intéresser à leur prochaine destination, en pointant du doigt de temps à autre une région parce qu’elle trouvait que les couleurs étaient jolies.

Mais dans l’ombre d’un coin, quelqu’un les observait attentivement depuis une demi-heure. Ses deux yeux brillants fixaient la scène et, les oreilles tendues, aucune réflexion ne lui échappait.
Le voyageur finit par se lever de sa place et s’avança vers Lavinis et Xyla. Il portait une grande cape grise qui le couvrait pratiquement dans son entièreté. La tête également masquée en grande partie par un prolongement de la cape, on ne voyait dépasser qu’une barbichette.
-          Je peux peut-être vous éclairer sur votre future destination, mesdames.
-          Mesdames ? Où as-tu vu ça, l’étranger ? s’offusqua Lavinis. « Et puis, qui es-tu ? Un devin ? ».
-          Absolument pas, je suis Malevih, protecteur du savoir druidique.
Au mouvement de recul qu’eurent Lavinis et Xyla, Malevih préféra ôter sa capuche pour les mettre en confiance.
De sous la cape se découvrit un tauren à l’aspect fétiche. Le pelage brun, les yeux bruns, le crin brun, tout ce qu’il y avait de plus banal. Il avait un museau étroit et carré au bout duquel poussait une barbichette tressée ça et là selon la longueur du poil. A son oreille droite, il portait un anneau en or, seul élément brillant de sa personne médiocre.
-          N’ayez crainte, je ne vous veux pas le moindre mal.
-          Et que veux-tu dans ce cas ? demanda Lavinis sur un ton méfiant.
-          Juste vous aider. Vous semblez perdues.
-          Pas exactement, nous n’arrivons juste pas à nous décider sur notre prochaine destination.
-          Dans ce cas, je suis la personne qu’il vous faut !
Xyla avait observé le dialogue entre le voyageur et Lavinis, comme on observe un jeu d’échange de balles, ce qui l’amusait beaucoup.
-          En réalité, je suis en possession d’une carte …
-          J’ai toutes les cartes d’Azeroth, merci bien ! le coupa Lavinis, toujours sur la défensive.
-          Ne vous méprenez pas mais je pense que cette carte vous fait défaut !
Malevih sortit une carte enroulée de sous sa cape et la déroula sur la table. Sur le parchemin usé se traçaient des terres perdues dans le Néant, avec des noms que Lavinis n’avait jamais lus ni entendus.
-          Qu’est-ce donc cette fourberie ? Il n’existe pas de continent pareil ! murmura Lavinis, fascinée par la carte.
Malevih afficha un mince sourire.
-          Non, pas ici en effet. Il s’agit de l’Outreterre !
-          C’est comique, ce continent ressemble à un gros clampant écrasé ! remarqua fièrement Xyla.
-          Hum … Quel est donc ce monde, voyageur ?
En illustrant ses paroles avec de grands gestes théâtraux, Malevih se lança dans un récit fabuleux :
-          L’Outreterre est un monde merveilleux, illuminé en permanence par des millions d’étoiles et de lunes. Le jour et la nuit se confondent dans une semi-clarté, celle de l’aurore ou du crépuscule, selon chacun. Celle en tout cas qui fait rêver. Les terres sont aussi diverses que riches et les créatures ne sont semblables en rien à celles d’ici. Les explorateurs ne sont jamais revenus de ce monde. Pas parce qu’ils y ont été engloutis, non ! Mais parce qu’ils en sont tombés follement amoureux. Croyez-moi, la vie ne vaut pas la peine d’être vécue si on n’a pas vu l’Outreterre !
Malevih s’était tellement imprégné dans ses paroles qu’il avait les avait terminées à quelques centimètres à peine de Lavinis, prêt à l’embrasser dans sa fougue. D’un geste sec, celle-ci l’écarta avant de reprendre son jugement.
-          Tu y es donc déjà allé, pour connaître aussi bien ce monde.
-          Hum … N…non, pas vraiment… pas tout à fait… enfin presque…
Lavinis fronça les sourcils, ce qui paniqua Malevih.
-          J’aimerais m’y rendre parce qu’on dit que là-bas, les druides peuvent apprendre à se transformer en oiseaux aussi libre que le vent et voler.
-          Voler ? hurla Xyla en se levant de sa chaise.
-          Oui, voler, ma jolie ! Tu n’as jamais caressé ce doux rêve ?
-          Si, j’ai même déjà essayé, répondit Xyla en tendant son pouce transformé en plume, sous le regard déconcerté de Malevih.
-          Bien, dit finalement Lavinis, quelle est ta proposition ?
-          Je vous propose qu’on aille ensemble là-bas.
-          Pourquoi tu n’as jamais été seul ?
-          P…parce que c’est dange… parce que c’est dans le Néant, essaya-t-il de rattraper maladroitement.
-          Et tu ne sais pas où est le Néant ?
-          Non, pas ça. Il existe une porte qui mène à ce monde. Une porte qui a été ouverte par de puissants sorciers. Elle est bien sûr tout à fait sécurisée !
-          Et tu pourrais nous y emmener ?
-          Bien sûr, que je peux ! Elle se trouve ici, dit-il en pointant du doigt une grande crevasse dessinée au sud-est des Royaumes de l’Est.