18/09/2010

Flammes et démons

Flammes et démons


L’Outreterre était un mélange subtil de beautés à couper le souffle et de dangers à également couper le souffle. La seule différence entre les deux, c’était que le second propos se tenait au sens propre.
A peine furent-ils arrivés de l’autre côté de la Porte, qu’ils furent accueilli par un paysage somptueux, perdu au milieu d’un océan d’astres. Des courants célestes, aux couleurs chatoyantes, modelaient en permanence l’aspect de la voûte qui s’étendait au-dessus de leur tête. En revanche, l’air était beaucoup plus difficile à respirer. Il était lourd et chaud, comme dans une fournaise. La puanteur du soufre rendait la qualité de l’air peu supportable et c’était bien la première chose que l’on regrettait d’Azeroth, avant même de penser à l’eau ou à la nourriture.
En s’avançant un peu, Lavinis, Xyla et Malevih remarquèrent qu’ils étaient perchés au sommet d’un escalier aux dimensions démesurées. Mais ce qui frappa le plus leur regard, ce ne fut pas cet aspect gargantuesque du poste sur lequel ils avaient atterri, mais bien de ce qui s’y déroulait au moment-même de leur arrivée : devant leurs yeux, un cortège de créatures immenses menait un combat acharné contre les races d’Azeroth qui défendaient la base et la Porte. Des pierres animées de laves aux démons les plus terrifiants, ces monstres dépassaient l’imagination tant par la taille que par l’horreur. Et derrière eux, entre les deux colonnes d’entrée de la base, une créature mi-dragon, mi-démon, lançait ses ordres à ses terrifiantes troupes.
-          Mince alors ! On fait comment pour passer ? demanda Xyla en se retournant vers Lavinis.
-          Demande à notre cher ami, c’est lui qui en connait plus sur l’Outreterre, pays merveilleux des champignons fantômes ! Pays merveilleux sans aucun danger ! J’ai même une idée, envoyons Malevih négocier avec les démons !
-          J…je… suis… contre cette idée ! balbutia Malevih, en essayant de garder un sourire non défait.
-          Throm’ka, vous trois !
Un orc vêtu d’une épaisse cuirasse venait de les rejoindre, après une longue ascension de l’escalier. Lavinis, Xyla et Malevih restèrent pétrifiés.
-          Bienvenue en Outreterre ! La horde a besoin de toutes les forces qu’elle peut rassembler sur ce monde brisé. Je vous promets que si vous êtes venus chercher des batailles glorieuses, vous pourrez vous en donner à cœur joie, ici !
-          On n’est pas du tout venu chercher la bataille, ici ! On est venu apprendre à voler ! reprit tout de suite Malevih.
-          Ah mais si ; des batailles, la gloire, ça me va très bien à moi ! rétorqua sarcastiquement Lavinis, une lueur d’excitation dans les yeux.
-          Hum ! Quoi qu’il en soit, reprit l’orc, je suppose que vous êtes fatigués de votre voyage et je vous suggère de rejoindre Thrallmar, notre premier village. Vous pouvez parler à Vlagga. Elle se trouve à côté des coursiers du vent. Elle vous en prêtera trois pour vous rendre là-bas.
Lavinis et Xyla s’empressèrent de se rendre près du maître des coursiers du vent, laissant Malevih en retrait.
-          Excusez-moi, monsieur l’orc mais … si jamais on était arrivé en Outreterre pas vraiment de son plein gré, on fait quoi ?
L’orc éclata de rire aux propos de Malevih.
-          Mais mon pauvre tauren, seul un fou viendrait ici sans savoir ce qu’il peut y trouver !
Après quoi, il donna une tape amicale sur l’épaule de Malevih et s’en retourna à ses occupations.

* * *

Pour Lavinis, chevaucher un coursier du vent n’était pas sa première expérience. Dans toute l’éducation qu’elle avait reçu, le maintien d’une bonne posture figurait en première ligne des obligations et ce, en n’importe quelle situation. Aussi, Lavinis se raccrocha de toutes ses forces à ce qui lui avait été enseigné et, les yeux fermés, la respiration courte, elle répétait sans relâche les règles à suivre, telle une prière faite aux Anciens.

« Buste grandi et décontracté,
Bassin basculé, reins soutenus, légèrement cambrée,
Tête droite dans le prolongement du buste,
Nuque sans raideur,
Regard droit, légèrement plus haut,
Poignets arrondis, doigts relaxés – pour la relaxation, on verra plus tard !
Jambes relâchées, jamais plaquées ni serrées,
Cuisses dans le prolongement du buste,
Genoux non serrés – on verra plus tard aussi, je ne veux pas tomber !
Chevilles souples, talons ni remontés, ni descendus mais libres. »
« Quelle horreur, je vais vomir ! »

Xyla et Malevih, de leur côté, découvraient le vol pour la première fois.
Le visage en arrière, Xyla inspirait l’air, la bouche grande ouverte, un sourire béat se dessinant sur ses traits. Le torse déployé face à l’immensité qui s’ouvrait devant elle, elle avait levé les bras et faisait claquer sa plume au vent, s’imaginant déjà voler d’elle-même.
« C’est magnifique ! Je voudrais voler toute ma vie ! »

Le troisième coursier du vent transportait Malevih, qui se cramponnait fermement à la crinière de l’animal. Malgré la peur qui lui nouait le ventre, il ne pouvait s’empêcher de regarder le magnifique spectacle qui glissait sous ses pieds. La Péninsule des flammes infernales, comme elle était nommée, était une étendue de terre rougie par les flammes. Nulle végétation, seules d’immenses rigoles creusées par la lave. Ca et là, jaillissait de temps à autre un nuage de vapeur et de feu. A sa droite, on touchait déjà l’extrémité du monde et le Néant jouait avec les restes désolés de la terre. Des roches volaient librement au-dessus du vide. Elles pivotaient sur elle-même, se touchaient pour repartir dans la direction opposée. Un peu plus loin, un morceau plus important s’était détaché du continent et avait emporté avec lui un édifice, ou ce qu’il en restait. Une tour faite de pierres grisâtres flottait ainsi parmi ses propres débris, isolée du reste du monde.

Lorsqu’ils posèrent enfin pied à Thrallmar, Lavinis inaugura leur arrivée en se jetant au sol et en se roulant dans la poussière rouge du village, sous le regard médusé d’un bataillon d’orcs, de trolls et de taurens.
-          Ne vous en faites pas, les rassura Xyla dans un gloussement, elle est toujours comme ça !
 Xyla releva Lavinis qui riait nerveusement et l’emmena à l’auberge, toujours sous les regards interloqués du bataillon.
A l’intérieur, loin de la vue du ciel, Lavinis reprit doucement ses esprits. Xyla et Malevih l’avaient installée à une petite table, dans le fond de l’auberge. Ils observaient l’elfe d’un air anxieux.
-   Tu crois que cette puanteur l’a rendue folle ? chuchota Malevih.

De longues minutes furent nécessaires à Lavinis pour qu’elle puisse enfin se rendre compte de la réalité qui l’entourait. Ne voulant pas perdre la face, suite à l’événement qui s’était produit, elle se releva immédiatement et alla chercher la carte de l’Outreterre dans son sac. En dépliant le parchemin, elle fit signe à Malevih et Xyla de s’approcher pour qu’elle puisse leur expliquer le chemin qu’ils allaient suivre.
-          Malevih, tu peux me montrer l’endroit où ce maître des druides se trouve ?
Malevih pointa une région colorée en vert foncé. L’écriture gracieuse et courbée qui légendait toute la carte indiquait « Ombrelune » sur la partie que touchait Malevih.
-          Ca doit être une immense forêt, à la couleur de cette partie de terre, suggéra Lavinis. C’est probablement le prolongement de la « Forêt de Terokkar ».
Satisfaite de sa conclusion, elle se lança dans des explications approfondies quant au chemin qu’ils devraient prendre.
-          Ce ne sera pas sans danger ! Vous avez déjà vu ce qu’on peut trouver sur ces terres. Le chemin le plus court, ce sera de traverser la Péninsule des flammes infernale jusqu’au sud-ouest. Là, il y aura un chemin qui mène en Forêt de Terokkar : la « Piste de Tranchépine ». Ensuite, on prend à gauche, on traverse vers l’est et on arrive en Ombrelune. Après quoi, il nous restera un petit bout de chemin pour arriver au « Village d’Ombrelune », comme tu viens de me l’indiquer, Malevih. Vous en pensez quoi, vous deux ?
Lavinis releva les yeux de sa carte et se rendit compte que les deux taurens avaient déserté les lieux pendant ses explications.

* * *

-          Tu crois pas qu’on aurait dû rester près de Lavinis, Malevih ?
-          Meuuuh non, ne t’inquiète pas. Aide-moi plutôt à extraire ces grosses pierres vertes du sol, ça doit valoir une petite fortune !
-          Pas touche à MON gangrefer, vous deux !
Un gobelin à l’allure peu commode s’approchait d’eux d’un pas vif.
-          On ne vous a jamais dit de ne pas toucher la propriété d’autrui ? grogna-t-il à l’attention de Malevih qui était presque couché sur le gangrefer. Poussez-vous, que j’examine mon précieux !
-          C’est un bout de roche, il est à tout le monde !
-          Surement pas ! … C’est pas vrai, tu l’as griffé ! Tu vas payer pour ça !
Le gobelin foudroya Malevih du regard.
-          J’ai pas d’argent…
-          Qui a parlé d’argent ? Vous allez me rendre un service, en échange de quoi, je passerai peut-être l’éponge sur votre crime !
-          Je crois qu’on n’a pas trop le choix … riposta mollement Malevih.
D’un geste de la main, le gobelin invita Malevih et Xyla à le suivre à son campement, situé à deux pas de l’endroit où ils se trouvaient. Quelques bouts de bois, agrémentés de longues défenses plantées vers le haut, formaient une barrière rudimentaire. Mais les barrières n’étaient rien comme système de défense, face aux affreux chiens gangrénés qui courraient librement dans le campement.
-          Dooooucement Dagz !
-          Cette chose a un nom ? demanda Malevih, qui se tenait derrière Xyla.
-          Evidemment, c’est mon gangrechien et toute sa famille !
Le gangrechien en question était deux fois plus grand que le gobelin. Il était recouvert d’écailles brunes sur son dos et de poils blancs et noirs sur la face opposée. Son immense gueule semblait avoir été découpée d’un trait net au couteau et des dents fines et pointues dépassaient en tous sens. Quant au reste du visage … Il était celui des monstres qui hantent les cauchemars : pas d’yeux, juste cette gueule béante et de longues antennes noires ramenées en arrières, telle une crinière épaisse. Et par-dessus, dirigées vers la cible, de grandes proéminences osseuses et pointues se mêlaient au deux antennes principales, qui étaient ouvertes comme des fleurs mortelles.
Le gobelin caressa la bête et lui chuchota quelque chose. L’animal releva la tête en direction de Malevih et Xyla, dans un grognement sourd. Xyla grimaça en sentant la bête qui se concentrait sur leur présence. L’animal s’élança vers les deux taurens tremblants. Xyla poussa un cri et le gangrechien s’arrêta devant elle, en remuant la queue.
-          On dirait que c’est toi qui vas tenir la laisse ! lança le gobelin en tendant à Xyla un bout de corde usée.
-          On va juste devoir le promener ? demanda Xyla.
-          Pas très exactement. Il se trouve que mon cher ami Dagz a englouti les clés de mon invention. Une petite promenade de santé devrait lui donner l’envie de livrer un colis.
-          Parce qu’il est facteur ?
-          Non, parce qu’il va chier et que vous allez fouiller dans sa merde ! s’énerva le gobelin.

* * *

Lorsque la lumière commença à décliner sur la Péninsule des Flammes infernales, Xyla et Malevih remontaient le chemin vers Thrallmar. Le délicat fumet qu’ils dégageaient aurait fait fuir une nuée de mouches taurènivores, aussi, ils se réconfortaient dans cette idée. En se dirigeant vers l’auberge, leur attention fut soudain captivée par un étrange bruit métallique qui résonnait en écho. Au loin, dans la lueur déclinante, ils virent une silhouette immense se déplacer. Un nouveau cri métallique fit vibrer le sol. Malevih tressaillit et se serra contre Xyla.
-          Tu sais, ce n’est pas comme ça qu’on va arriver à notre objectif ! dit calmement Xyla.
-          Que veux-tu dire ?
-          Que si tu veux un jour réussir à te transformer en oiseau, il faudra vaincre de nombreuses peurs.
-          Je ne vois vraiment pas de quoi tu veux parler !
Xyla leva les yeux au ciel et soupira doucement. Ils arrivèrent en haut du chemin et entrèrent à nouveau dans Thrallmar. Xyla prit Malevih par la main.
-          Si tu veux, on peut y arriver ensemble, proposa-t-elle gentiment.
Malevih fut troublé par ce geste et bafouilla quelque chose qui devait probablement ressembler à un « oui ». Après quoi, il vit Lavinis s’approcher d’eux et dégagea sa main de celle de Xyla, d’un mouvement sec.
-          Vous êtes là, vous deux ! hurla-t-elle. Ca fait plus d’une heure que je vous cherche, où est-ce que vous êtes allés ?
Pour toute réponse, l’odeur qui parfumait Xyla et Malevih vint brûler les narines délicates de l’elfe de sang.
-          Tout compte fait, je ne veux rien savoir… Allez vous laver et on n’en parle plus !

* * *

La route qu’ils avaient à parcourir avant d’atteindre la Forêt de Terokkar n’était pas sans embûche. De nombreuses fois, ils durent rallonger leur trajet car un danger devait être contourné. Malgré le fait qu’ils tâchaient de rester sur le semblant de chemin, ils eurent l’occasion d’observer d’étranges créatures, toutes aussi terrifiantes les unes que les autres.
Au bout du troisième jour, ils atteignirent la pointe sud-ouest de la contrée. En tournant un dernier angle, leur regard sur posa sur l’extrême limite de la terre qui s’engouffrait dans le Néant. Mais ils virent aussi plus loin, par-delà le Vide, une contrée riche, couverte d’arbres et de verdure qui s’étendait à l’horizon. Une chute d’eau s’écoulait à perte de vue au bout de cette terre, dans un golfe du Néant. Leur espoir de voir enfin leur premier objectif atteint porta leurs pas. Ils s’avancèrent un peu plus rapidement et pénétrèrent sur la Piste de Tranchépine. De part et d’autre du chemin, de grandes ronces noires ondulaient et roulaient sur elle-même. Xyla fermait la marche. Elle observait le paysage lugubre avec un œil attentif et inquiet. Parmi cette unique végétation, si l’on pouvait nommer cela de la végétation, elle remarqua un élément solitaire : une petite sphère ovoïde et blanche. Elle s’en approcha, laissant ses deux compagnons continuer leur avance. En regardant de plus près, elle reconnut là un œuf abandonné et s’accroupit à ses côtés.
-          Où elle est ta maman ? Si tu veux, je peux être ta maman …
Un cri, ressemblant au frottement d’une lame usée sur du bois, retentit soudain au-dessus de la tête de Xyla. Sur un surplomb de roches rouges se dressait une créature sortie tout droit des enfers. Tendue sur ses quatre pattes aiguisées, ressemblant à ses pattes d’araignée, elle observait Xyla d’un air menaçant. A tout instant, le monstre pouvait se jeter sur elle. Tentant de maîtriser au mieux sa peur, Xyla recula lentement pour essayer de rejoindre le chemin. Son erreur fut de jeter un dernier regard à l’œuf car la créature le prit pour une attaque et elle fonça sur Xyla. Le haut de son corps ondula, comme celui d’un serpent. La bête dégaina trois grandes piques ventrales et une multitude de piques dorsales. Elle poussa un cri qui noua les entrailles de Xyla et se jeta sur la taurène. Xyla tomba à terre et eut le souffle coupé par le poids de la bête qui lui enfonça ses crocs acérés dans l’avant-bras droit. Le venin injecté dans la plaie lui fit pousser un cri de douleur. Elle tâcha de se dégager du monstre, en se transformant en félin mais la brûlure du poison l’empêchait de se concentrer suffisamment. En ultime recours, elle flanqua à la créature un grand coup de sabot dans le ventre. La bête recula, sous la douleur et relança une offensive.
-          Ne touche pas à Xyla !
Lavinis s’élança sur la bête et lui abattit sa masse sur le corps. Mais c’était sans compter la dure carapace qui fit rebondir l’arme de Lavinis comme sur du caoutchouc et la lui renvoya en pleine figure. Etourdie, elle s’effondra au sol, s’offrant en cible facile au monstre. Xyla, qui ne pouvait presque plus bouger, hurla après Malevih, leur dernier recours. Elle entendit alors une énorme explosion, suivie d’un jet de lumière verte qui provenait de l’endroit où se trouvait Malevih.
Apeurée par ces artifices, la bête prit la fuite. Lavinis et Xyla se retournèrent vers Malevih pour essayer de comprendre ce qu’il avait bien pu faire pour réussir à faire fuir le monstre. Le tauren éteignit une mèche de crin enflammée et sourit fièrement à ses compagnes.
-          Vous avez vu, j’ai réussi !
-          Tu as jeté une bombe ? demanda Lavinis, incrédule.
-          Bah non, j’ai utilisé mes capacités druidiques ! rétorqua-t-il, sur la défensive.
Lavinis lança un regard à Xyla, comme pour demander si c’était normal que des sorts de druide puissent exploser de la sorte. Pour toute réponse, elle eut en retour une grimace de la part de son amie.
-          L’essentiel, c’est que nous soyons sauvés, non ? conclut Xyla, sur un ton dubitatif.

Le venin qui avait été déversé dans la plaie de Xyla brûlait de plus en plus et la taurène se sentait faible. La Piste de Tranchépine était trop dangereuse à emprunter et ils avaient donc rebroussé chemin. Le seul autre trajet qui s’offrait à eux devrait passer par le Marécage de Zangar. Mais au préalable, ils devraient faire une halte au Guet de l’Epervier, un petit campement perché sur des hauteurs. Ils espéraient pouvoir y trouver quelqu’un qui puisse soigner la blessure de Xyla et stopper la progression du poison.
La réaction du venin qui se propageait dans le sang de Xyla commençait à lui faire perdre la réalité. Le ciel se mettait à tourner et danser, pour se mêler au sol rouge. Ses compagnons devinrent rapidement des silhouettes, puis des ombres, puis un amas informe mélangé au reste. Xyla tentait de se concentrer pour tenir bon. De temps à autres, elle entendait la voix de Lavinis qui semblait venir de nulle part. De grosses gouttes de sueur froide lui coulaient le long des tempes et dans le dos et sa respiration devenait saccadée. Sans savoir s’ils avaient marché quelques minutes ou quelques heures, elle sentit une main glaciale agripper son bras blessé. A bout de force, elle se laissa faire, priant pour que cette main ne fut pas celle de la mort.
Une douleur intense se fit sentir au niveau de sa blessure, suivie d’un froid engourdissant qui irradia rapidement dans son bras, se propagea dans son épaule, puis dans son cou. Le froid continua son trajet, étreignit également son cœur et ses poumons. Le flux lui enserra la gorge et elle sentit son souffle se couper. Elle voulut crier mais aucun son ne sortit. Et puis, à l’extrême limite de lui avoir ôté la vie, le flux glacial se retira de ses poumons, de son cœur, desserra sa gorge et s’écoula de son bras. Xyla prit une inspiration brusque, comme la première que l’on prend lorsqu’on nait. La chaleur revint progressivement et sa vue se restitua. Devant elle, elle vit enfin la personne qui tenait toujours son bras, de sa main glacée. Il s’agissait d’un réprouvé, à l’apparence relativement bien conservée et entretenue. Voyant que Xyla reprenait conscience, il étira ses minces lèvres en un sourire, dévoilant plusieurs dents manquantes.
-          Bien bien, elle revient parmi nous !
-          Vous l’avez guérie ? demanda Lavinis qui se tenait à côté de Xyla.
-          J’ai stabilisé le poison mais je ne peux pas l’abolir. Il faudrait que vous alliez chez les druides du Refuge Cénarien, ils possèdent une grande maîtrise de la guérison.
-          Mais on n’y arrivera jamais à temps, Xyla est beaucoup trop affaiblie !
-          Nous allons vous prêter des montures et vous serez escortés. Le Refuge Cénarien n’est pas bien loin mais il faut vous hâter !

Xyla fut placée, avec le plus grand soin, sur un faucon pérégrin aux couleurs vives. L’animal poussa un petit cri, sous le poids de la taurène puis émit un gloussement vibrant, au contact des doigts de sa passagère dans ses plumes. Lavinis et Malevih montaient respectivement un faucon rouge et un bleu. Un elfe de sang à l’allure fière s’approcha d’eux, sur son propre faucon pérégrin.
-          Suivez-moi, il vaut mieux partir tout de suite ! annonça-t-il.
Il attela sa monture à celle de Xyla et ouvra la marche, suivi par Lavinis et Malevih qui n’osaient prononcer mot.
Le trajet fut fort heureusement rapide. Bien vite, ils arrivèrent au bout d’un large chemin qui s’engouffrait dans un passage plus étroit, bordé de ronces identiques à celle de la Piste de Tranchépine, ainsi que de quelques champignons géants asséchés. Aussitôt, l’elfe de sang qui les escortait sortit un petit appeau dans lequel il souffla à plusieurs reprises. Les sons produits étaient inaudibles mais ils virent rapidement décamper des créatures identiques à celle qui les avait agressés. L’elfe de sang se tourna vers sa petite troupe et leur adressa un signe de la tête, pour leur signaler qu’ils pouvaient à présent s’engager sans risque.