15/09/2010

Séparations

Séparations


Perché sur la branche d’un arbre, un oiseau au plumage brun et or, observait l’immense étendue de plaines qui s’ouvraient devant lui. En prenant une grande inspiration, il se laissa tomber de son perchoir, pour se précipiter dans le vide car son arbre n’était raccroché qu’à un bout de terre errante au-dessus de Nagrand. Le vent chaud qui soufflait sur ses plumes lui fit ouvrir ses ailes et sa chute fut immédiatement amortie, au point même qu’il sembla remonter d’un coup net. Se moquant de la gravité, il entama sa ronde habituelle.
Les vieux orcs de la région l’appellent Tântek, « le Veilleur », dans la langue des anciens. Tântek était le gardien des terres ancestrales, qu’il surveillait de son œil vif et sage. Certains disent que c’est l’esprit d’un orc, d’autres soutiennent qu’il s’agit là d’un véritable oiseau. Mais ils s’entendent tous pour dire que Tântek veille sur Nagrand depuis de nombreuses générations et que c’était grâce à lui que la région était restée assez paisible, malgré les guerres qui grondaient.
En s’approchant du centre de Nagrand, Tântek survola un groupe de trois personnes qui se disputaient bruyamment. Il soupira et s’éloigna, laissant les intrus à leurs mots.
-          On est perdu, ça fait trois fois qu’on passe par ici ! Fiez-vous à un tauren !
-          Mais non, on n’est pas perdu ! On n’est encore jamais passé à côté de ce ravin. Les elfes n’ont décidément aucun sens de l’orientation !
-          Quoi ? C’est à moi que tu dis ça, espèce de gros amas poilu !
-          Tout à fait, espèce de … espèce de rien du tout d’abord.
Malevih cessa sa tirade parce même sans son arme, Lavinis aurait le dessus sur lui. Une petite voix discrète tenta de s’immiscer dans le débat géographique de Lavinis et Malevih.
-          Vous avez vu ? Il y a une maison là.
-          Tiens, c’est vrai. Mais ça n’a pas l’air très habité, remarqua Lavinis.
-          Allons tout de même voir. S’il y a quelqu’un, il pourra surement nous renseigner.
La maison était singulière par sa forme pyramidale, surmontée de cristaux bleus. L’un d’eux, le plus finement sculpté, flottait au sommet de l’habitation.
-          Tout compte fait, je ne crois pas qu’on devrait s’approcher d’ici, balbutia Xyla.
-          Ne dis pas de bêtise, on n’a rien à craindre, la rassura Lavinis.
Une vague d’air frais sortit soudain de la maison, pour venir les embrasser. Xyla frissonna et se raidit. Elle se raccrocha à Malevih qui était le plus proche d’elle et serra son bras aussi fort qu’elle put. Le trio pénétra dans l’unique pièce de la maison. Pendant quelques secondes, leurs yeux durent s’habituer à l’obscurité. Puis, ils reconnurent de nombreuses fournitures de guerre : boulets de canon, lances aiguisés, caisses multiples, sabres. Sur une table, dans le fond de la pièce, de nombreux parchemins étaient déroulés.
-          Ce sont peut-être des cartes, dit Lavinis en s’approchant.
Elle se pencha sur les parchemins jaunis et craquelés. Des textes, écrits dans une langue que l’elfe de sang ne comprenait pas, dansaient parmi des illustrations graphiques, tracées d’une fine plume. Lavinis écarta un des parchemins pour voir ce qu’il cachait. Un sifflement, suivi d’un éclat de lame, termina sa course planté à quelques centimètres de la main de Lavinis. Une dague parfaitement profilée était à présent enfoncée profondément dans les documents et le bois de la table. Une main robuste et bleuté tenait encore le manche de l’arme. De l’ombre sortit un draeneï robuste qui observait Lavinis d’un air féroce. Il lui balança quelques mots d’une voix grave et rocailleuse. Voyant que l’elfe de sang ne semblait pas comprendre ce qu’il lui voulait, il jeta un regard en biais à Xyla et Malevih, qui se serraient l’un contre l’autre en tremblant. Les deux tentacules qui prolongeaient son menton se mirent à vibrer. Il regarda à nouveau Lavinis et prononça lentement « Ttrath » en indiquant la pièce. Puis il sortit la dague de la table et leur montra la sortie avec la lame aiguisée.

* * *

-          Rien à dire, ces gens-là savent communiquer ! lança Malevih, avec sarcasme.
-          C’est ça ! T’aurais eu du lait, tu l’aurais déversé à terre !
-          Meuh non, c’est pas moi qui tremblais, c’était Xyla.
Lavinis soupira. Elle regarda Xyla qui marchait devant eux, en jouant avec son ombre qui s’étendait de plus en plus loin.
-          Malevih…
-          Mmmh ?
-          Que lui as-tu chanté, l’autre jour ?
-          Chanté ? Ah… euh… oui. C’est un chant très connu dans la civilisation taurène, balbutia-t-il nerveusement.
-          Ah oui ? Mais Xyla n’a pas grandi avec les taurens…
-          Il faut croire que si ! conclut Malevih, en s’énervant.
Sur quoi, il s’avança plus vite pour rejoindre Xyla et laissa Lavinis seule avec ses pensées.

Ils avaient déjà traversé une bonne partie de Nagrand, depuis leur départ de Shattrath. Sans carte pour les guider et sans les repères qui avaient été enseignés à Lavinis en Azeroth, ils perdaient beaucoup de temps à chercher leur chemin. Fort heureusement, la région semblait être assez calme. Dans les plaines à perte de vue, on pouvait observer des troupeaux de talbuks – sortes de grands boucs à la fourrure épaisse – qui paissaient tranquillement au bord d’un ruisseau. Plus loin, peut-être moins farouches, des sabot-fourchus dominaient une partie du territoire, par leur grandeur. Ces animaux représentaient la fierté d’un chasseur car ils pesaient plus d’une tonne et leur charge ne pardonnait pas. Leur viande était un met délicieux et riche, ce qui renforçait tout être qui gagnait le mérite d’en manger… mais aussi ceux qui profitaient de la mauvaise fortune de l’animal, en se repaissant de ses restes. Les volatiles de Nagrand, des venterocs, étaient particulièrement voraces et leur alimentation ainsi que leur environnement en avaient fait de puissantes bêtes.

Au fur et à mesure qu’elle découvrait le terrain, Lavinis se sentait de moins en moins rassurée, du fait qu’elle n’avait plus son arme. Même si Xyla pouvait se métamorphoser et faire fuir la plupart des créatures, Malevih représentait un danger à ses yeux, par sa maladresse. Elle aurait nettement préféré le mettre à l’écart des éventuels combats, en s’y impliquant elle-même. Mais à mains nues, elle serait désavantagée et pourrait se blesser.
Pendant qu’ils avançaient, elle observait attentivement autour d’elle, afin de trouver quelques éléments qui puissent lui permettre de se créer une arme. Elle ramassa une pierre de la taille du poing d’un ogre et repensa à la manière dont Xyla lui avait déjà bricolé une masse. Elle trouva un bout de bois épais et bien profilé, un peu plus loin. Il lui restait maintenant à faire tenir les deux éléments ensemble. Toujours en suivant ses deux compagnons, elle ajusta la pierre et le bâton et les tint ensemble un instant, comme s’ils allaient fusionner par sa simple volonté. Voyant que ça ne fonctionnait pas comme ça, Lavinis grogna. Elle regarda à nouveau autour d’elle pour trouver un troisième élément qui puisse fixer son arme. Ils étaient à présent arrivés dans une grande plaine dominée par un immense rocher blanc. Ca et là, comme des rejetons du rocher central, d’autres petits rochers transperçaient la terre. De toute évidence, elle ne trouverait rien d’assez malléable à cet endroit. Elle promena une dernière fois son regard, qui s’arrêta sur le crin mi-long et épais de Malevih, qui marchait juste devant elle. Un sourire satisfait s’afficha sur son visage et elle s’approcha du tauren, qui lui tournait le dos.
-          Aïeuuuuuh ! Mais qu’est-ce que tu fabriques ? hurla Malevih en se retournant vers Lavinis.
-          Expérience de survie ! répliqua Lavinis, en commençant à tresser le crin qu’elle avait arraché à Malevih.
-          Tu es complètement folle !
-          Peut-être mais au moins, j’essaye de nous sortir d’ici !
-          Avec ça ?
Malevih regarda dubitativement la masse que Lavinis venait de terminer.
-          C’est quoi exactement ? Un balai volant ? demanda Malevih, plein d’ironie.
-          Non, c’est une masse, pour aider Xyla lorsque nous serons à l’arène de sang.
-          Et moi, je compte pour des nouilles de Mulgore ?
-          Exactement.
-          Elle m’énerve, cette pauvre hystérique ! hurla Malevih en se retournant vers Xyla qui observait la scène d’un air stupéfait. Tu penses aussi que je ne sais rien faire ?
Pour toute réponse, Xyla lui prononça un « baaaaah, euuuuuh », qui excéda encore plus Malevih.
-          J’en ai marre qu’on me prenne pour un bon à rien ! Je m’en vais !
Malevih tourna le dos à Lavinis, passa devant Xyla sans la regarder et partit en direction du gros rocher blanc. Mais à peine eut-il fait trois pas qu’il glissa sur une flaque visqueuse et s’étala de tout son long à terre.
Lavinis éclata de rire, à la vue du tauren décidément maladroit et sans avenir. Couvert de cette substance gluante, Malevih ronchonna et se releva avec peine.
-          Et en plus, ça la fait rire. Je ne supporte plus les elfes de sang !
-          Excuse-moi mais il n’y a qu’à toi que ce genre de chose arrive ! rétorqua Lavinis, entre deux gloussements.
Un bruit flasque la coupa soudainement dans sa moquerie, qui fut suivie par un cri de dégoût. La même substance visqueuse venait d’atterrir sur son épaule et dégoulinait sur son torse.
-          Saloperie de tauren ! Tu viens de me jeter ce truc infâme !
-          Je te jure, j’ai rien fait.
Lavinis regarda autour d’elle pour dénicher le coupable qui se cachait probablement tout près. En se retournant, elle vit devant elle un monument hideux et couvert de crevasses. A ses yeux, ça ressemblait à un tronc d’arbre géant et malade.
« Splotch ! ». Une nouvelle vague gluante s’écrasa juste devant Lavinis qui leva les yeux pour distinguer son origine.
Devant elle et en surplomb, se tenait un monstre dont la taille dépasse l’imagination. Le tronc d’arbre prit alors tout son sens, ainsi que son jumeau, prostré quelques mètres plus loin, puisqu’il s’agissait là des pieds du monstre. Sa respiration putride atteint alors les narines délicates de l’elfe de sang, qui grimaça. Le géant se pencha un peu plus sur Lavinis, qui put alors voir son unique œil rouge la fixer sans ciller.
Le monstre poussa un hurlement terrifiant et lança une main lourde en direction de Lavinis, qui réagit instantanément en se mettant à courir. Le poing fracassa le sol avec une force prodige et secoua la terre. Lavinis fut déséquilibrée et trébucha. Elle finit sa course dans la flaque de bave dont Malevih venait à peine de s’extirper, l’emmenant avec elle dans sa chute.
Xyla courut sur ses compagnons pour les aider à se relever rapidement. Ils avaient l’avantage que le monstre était lent dans ses gestes mais le moindre pas qu’il faisait dans leur direction, s’accompagnait de secousses déstabilisantes.
La peur au ventre, ils se mirent à courir de toutes leurs forces mais les enjambées lentes du monstre les rattrapaient à chaque fois. De temps à autres, Lavinis se retournait pour regarder la gueule immense et remplie de dents aiguisées, ce qui lui donnait un peu plus d’adrénaline pour continuer sa course. Xyla, quant à elle, s’était transformée en félin et tenait la tête sans se fatiguer. Restait Malevih à l’arrière, qui s’épuisait vite et se voyait déjà mort. L’ombre du monstre l’occultait presque entièrement et ce dernier frappa un immense coup de poing au sol, à quelques centimètres de Malevih, ce qui le fit décoller de plusieurs mètres. Lavinis s’arrêta et observa la scène, comme au ralenti. Elle regarda le tauren s’écraser mollement, dans un bruit sourd. Un éclair passa dans ses yeux et elle se mit à courir vers le monstre. Xyla la suivit jusqu’à une certaine distance puis laissa son amie s’engouffrer dans son idée délirante. Lavinis atteignit le pied de la créature et frappa de toutes ses forces, avec sa masse bricolée un peu plus tôt. Le monstre perdit son attention fixée sur Malevih et grogna en direction de la gêne provoquée à son pied. Il vit Lavinis qui lui brandissait sa masse, en signe de défi.
-          Tu te vas tuer, mourir ! hurla Xyla, dans la panique.
-          Allez de l’avant, je contrôle la situation.
Xyla ne se fit pas prier. Soutenant Malevih, elle s’éloigna du monstre, pour essayer de trouver une cachette. Inquiète pour son amie, elle se retourna et vit le géant abattre ses deux poings au sol, et Lavinis les esquiver habilement. Sous le choc, l’elfe de sang si légère, décolla suffisamment haut pour se trouver à la hauteur de la gueule du monstre. Dans un mouvement calculé, elle balança son arme de toutes ses forces dans l’œil fixé sur elle. Le monstre hurla et ramena ses mains sur son visage. Dans une rage folle, il tenta d’écraser tout ce qui pouvait se trouver à proximité mais Lavinis était déjà bien loin.

* * *

Pris de panique, Xyla et Malevih s’étaient encourus de leur côté, lorsque le monstre avait déchaîné sa colère. Ils avaient couru à en perdre haleine puis avaient continué à marcher pendant de longues minutes qui auraient pu être des heures. Le soir tombait quand ils s’arrêtèrent pour la première fois et qu’ils osèrent regarder derrière eux. Un troupeau de talbuks passa dans la plaine qui s’étendait devant eux. Les ombres des animaux, agrandies par la luminosité déclinante, assombrirent soudain les deux taurens.
-          Je crois qu’on est perdu, mugit Xyla. J’aimerais que Lavinis soit là…
Malevih soupira silencieusement et regarda autour de lui.
-          On ferait mieux de nous trouver un abri pour la nuit, on cherchera Lavinis demain, dès l’aube.
Il ramassa une grosse branche et la traîna jusqu’au tronc solide d’un arbre. Appuyant solidement la branche à quarante-cinq degré contre le tronc, il forma ainsi les premiers traits d’une tente primitive. Il recommença l’opération plusieurs fois, jusqu’à ce qu’il ne trouve plus de bois assez solide pour leur assurer une nuit confortable.
Son travail achevé, Malevih se retourna fièrement vers Xyla.
-          Tadaaaaa ! Et une maison, une !
-          On va entrer tous les deux là dedans ?
-          Oui, c’est plus spacieux que tu ne le crois. Et puis, le principe est d’y dormir, pas d’y vivre. Viens donc essayer la couche que j’ai faite pour toi, ajouta-t-il en bafouillant.
Malevih avait aménagé l’abri assez confortablement, pour la situation. Xyla s’y sentit bien et se serra un peu contre le tauren qui sursauta à son contact.
Le silence s’installa avec la nuit. Le chant des petits insectes s’élevait à présent, couvert de temps à autre par le hululement d’un oiseau nocturne. Dans le noir, Malevih sentait juste la respiration chaude de Xyla sur son bras mais il ne parvenait pas à trouver un sujet de conversation. Aussi resta-t-il de longues minutes à écouter le bruit de la nature et à réfléchir à ses phrases. Il se lança finalement, après un long moment d’hésitation.
-          Tu sais, Xyla, il y a quelque chose dont j’aimerais te parler… mais ce n’est pas quelque chose de facile à dire. Je pensais me tromper au début mais à présent, j’en suis certain…
Malevih marqua une pause de quelques secondes.
-          Je n’aurais jamais pu imaginer une chose pareille, tu sais. C’est incroyable comme le destin semble toujours nous rattraper… J’aurais juste voulu que tu saches qu…
-          … pas les mouches taurènivores, marmonna Xyla en se tournant sur le dos.
-          P…pardon ? balbutia Malevih.
Pour toute réponse, Xyla lui ronfla bruyamment au nez.
Découragé et dépité, Malevih se tourna sur le côté, face au tronc d’arbre et s’endormit dans sa honte.

Le réveil se fit au chant bruyant d’un oiseau au plumage brun et or, qui s’était perché sur une des branches de l’arbre. Malevih sortit de la tente, encore à moitié endormi et gesticula en direction de l’oiseau, qu’il voyait encore flou.
-          Shhhhh, du vent ! Aller, ouste !
L’oiseau le dévisagea puis se laissa tomber de sa branche. Malevih suivit du regard le trajet du volatile, qui tombait plus bas que le sol. S’arrêtant un instant sur l’image, il cligna des yeux plusieurs fois et secoua la tête avant de comprendre que l’oiseau ne s’était pas enfoncé dans le sol mais que le sol n’était plus sous leurs sabots. Il s’aplatit alors contre la petite parcelle de terre qui leur restait et rampa jusqu’à son extrémité, pour constater qu’ils étaient en train de dériver au-dessus de Nagrand, à plusieurs dizaines de mètres de haut.
-          Xylaaaaaaa ….
-          Quoi ? répondit une voix ensommeillée, en provenance de la tente.
-          On a un souci…
Xyla sortit la tête de l’abri et jeta un regard culpabilisateur à Malevih.
-          Qu’est-ce que t’as encore fait ?
-          Rien, c’est pas moi cette fois ! Regarde plutôt où on est, dit-il en montrant le vide en-dessous d’eux.
En se penchant sur le bord de leur bout de terre, Xyla n’en revint pas. Elle déroba le paysage des yeux et se retourna vers Malevih avec un sourire jusqu’aux cornes.
-          C’est super ! On va pouvoir s’entraîner à voler !
Malevih fit une grimace et sentit la peur lui monter au ventre. Il agrippa fermement le bras de Xyla et la tira vers l’arbre.
-          Je préfèrerais qu’on attende d’atterrir.
-          Mais non, c’est l’occasion d’essayer ! Tu vois cette plume ? dit-elle en montrant son pouce transformé en plume, Eh bien, c’est en me retrouvant coincée en haut d’une montagne que j’ai réussi à faire ça !
-          Et comment tu as réussi à redescendre, finalement ? s’enquit Malevih.
-          En sautant dans le vide !
A ces mots, le tauren devint soudainement livide. Il serra sa deuxième main, tremblante, sur la première, qui tenait toujours fermement le bras de Xyla.
-          Tu me fais mal, lâche-moi !
-          Non, tu restes ici avec moi et tu ne bouges pas.
Xyla soupira lourdement et s’assit sur une grosse racine. Rassuré, Malevih s’assit à côté d’elle.
L’air était particulièrement doux, malgré la hauteur à laquelle ils dérivaient. De temps à autre, ils traversaient un nuage et en ressortaient humides et brumeux. Xyla en aurait rit, habituellement. Mais elle évitait le regard de Malevih, ce qui le rendait particulièrement nerveux.
-          On va bien retoucher le sol un moment ou un autre, tenta-t-il pour briser le lourd silence qui s’était écrasé sur eux.
-          Si j’avais été avec Lavinis, elle aurait déjà trouvé une solution !
Malevih ferma les yeux et inspira.
-          Je ne suis pas Lavinis et on essaye de s’en sortir comme on peut !
Xyla ne répondit rien à cela et seul le vent vint ajouter ses commentaires durant les dix minutes suivantes. Malevih se sentit encore plus abattu par ses échecs répétés dans ses conversations avec Xyla. Il ne comprenait pas pourquoi il n’arrivait pas à lui trouver les mots pour la calmer ou pour la faire rire ou encore pour éveiller la passion qu’elle avait toujours avec Lavinis.

Le soleil était au zénith et Xyla s’était étendue sur le ventre, le visage débordant de leur îlot. Elle préférait scruter le paysage sous ses sabots que d’être confrontée à Malevih. De temps à autre, elle jetait un bref coup d’œil en direction du tauren qui ruminait une touffe d’herbe, assis, et semblait perdu dans ses pensées.
Parmi les talbuks, les sabots-fourchus, les venterocs et autres particularités de la région, Xyla remarqua soudain un élément à part. Il s’agissait d’une fine silhouette à la chevelure blonde, qui avançait d’un pas rapide. Cette dernière parlait toute seule et gesticulait nerveusement dans le vide, se retournant de temps à autre pour menacer son ombre d’un doigt sévère. Xyla plissa les yeux et la joie l’envahit lorsqu’elle reconnut Lavinis. Elle hurla après son amie mais le vent soufflait plus fort que son cri et l’emportait avec lui. Elle se releva alors et se dirigea vers Malevih.
-          J’ai retrouvé Lavinis, elle se dirige vers le nord. Il faut que je descende tout de suite !
-          Du calme, Xyla, elle ne va pas s’envoler.
-          Si elle s’envolait, au moins, elle serait avec nous ! répliqua sarcastiquement Xyla.
-          Ecoute, Lavinis s’en sort très bien sans nous, j’en suis sûr.
-          Mais c’est pas possible, tu ne veux rien entendre ! s’énerva Xyla. Je veux descendre pour être avec elle !
Malevih ne trouva rien à répondre. Il voulait l’apaiser et constata qu’une fois de plus, il avait aggravé la situation entre lui et Xyla. Estimant qu’il avait fait suffisamment de mal, il se retourna contre le tronc de l’arbre.
Débrouille-toi alors, marmonna-t-il.