21/09/2010

Mère poule

Mère poule


Si Magan avait su quelle tempête aurait pu provoquer une toute petite insulte faite à une druidesse, il s’en serait grandement abstenu. Mais Magan crachait sur les taurens, ces êtres stupides, pitoyables… ces animaux ! Il leur crachait dessus comme il crachait sur les trolls, les orcs, les elfes de sang et même certains réprouvés. Et c’était plus fort que lui de faire ses réflexions aigries à voix hautes, même s’il ne les assumait pas en se cachant par la suite, afin d’éviter le courroux.
Ce matin-là, il était parti en quête de bonne heure. Cela faisait à présent un mois qu’il était installé au camp Mojache mais personne jusqu’ici n’avait osé lui adresser la parole. Les gens préféraient éviter son chemin car il sentait la mort … et pas seulement la sienne. En se dirigeant vers le pont, il aperçut sur sa droite une jeune taurène blanche qui dormait profondément par terre. Elle était couverte de boue et de bave et émettait des gémissements apeurés dans son sommeil.

« Les taurens sont vraiment des créatures pitoyables … Qu’est ce qui m’a pris de dire ça ? ». Depuis ce moment, il se promenait avec une seconde ombre, une ombre de la taille et de la masse d’une taurène. Une ombre très bruyante qui posait plein de questions idiotes.
-          Pourquoi tu as des os à la place des doigts ? Tu as oublié de manger ?
Magan soupira lourdement en se dirigeant vers l’auberge.
-          Au fait, j’ai lancé ces gros flocons jaunes aux poissons du lac parce qu’ils avaient très faim ! annonça Xyla.
-          Oui, oui, très bien – bovin stupide. Je vais manger aussi. Laisse-moi maintenant, taurène !
-          Je viens avec toi !
« Du sang froid ! » médita Magan en poussant la porte de l’auberge.
-          Un kébab d’ours grillé !
-          Une pièce d’or et je vous l’apporte tout de suite.
Magan tripota la bourse à sa ceinture pour sortir de quoi payer son repas mais celle-ci lui parut affreusement plate.
-          Mais qu’est-ce que… Mon or, où est-il passé ?
-          Tu veux aussi manger des flocons jaunes? demanda Xyla.
-          Des … flocons … jaunes …, répéta machinalement Magan en faisant le lien avec ses pièces d’or rondes et jaunes.
Le réprouvé parut se glacer d’un seul coup mais contrairement à la réaction attendue, il quitta l’auberge en restant froidement silencieux, Xyla malheureusement sur ses talons.

Lorsqu’il arriva à la sortie du village, Magan se fondit immédiatement dans les ombres – sa grande spécialité – et s’encourut pour échapper à Xyla qui resta plantée sur place à jeter des coups d’œil vifs dans tous les sens pour repérer le réprouvé. Il était déjà bien loin et n’entendait qu’un faible écho de son prénom hurlé par la taurène, ce qui le rassura grandement.
« Comment peut-on être aussi stupide ? … Forcément, c’est une taurène ! … Enfin, j’en suis débarrassé à présent, je vais pouvoir chasser moi-même mon repas ! ».
Tout en marchant machinalement à travers la végétation de Féralas, Magan se perdait dans ses pensées. Il repéra finalement un jeune ours qui se délectait de quelques rayons de lumière qui perçaient à travers le feuillage, dans une petite clairière. L’ours était allongé sur le flanc et émettait des grognements de satisfaction. Un sourire s’étira sur les maigres lèvres de Magan qui se délectait déjà de son délicieux kébab d’ours. Dans l’ombre d’un arbre, il se camoufla et s’avança discrètement vers l’animal somnolant, en tenant bien ses dagues affûtées. Il ne lui restait plus que trois mètres avant de pouvoir tuer la bête, Magan sentait déjà la chaleur du sang de l’animal couler sur ses doigts froids et morts.
-          TROUVÉ, c’est toi le chat ! hurla Xyla, derrière Magan en le bousculant.
Le réprouvé s’effondra à terre, le visage contre le museau de l’ours qui avait été réveillé par le grand cri de Xyla. Il se leva de toute sa masse et émit un rugissement terrible à la vue de Magan et de ses dagues.
-          Bordel, qui m’a fichu un tel poids sur les épaules ? marmonna Magan avant de disparaître comme par enchantement dans les ombres, laissant l’ours et Xyla s’échanger des regards plein de questions.

Cinq minutes plus tard et à plusieurs centaines de mètres de là, Magan ressurgissait en bouillonnant de colère.
« Maudite taurène ! … Impossible de chasser dans des conditions pareilles ! ».
Il décida finalement de rentrer au camp Mojache, pour tâcher de se détendre. Mais la faim le tenaillait de plus en plus et l’idée seule de passer par l’auberge sans pouvoir y manger un bon repas le torturait. En voyant le lac s’étendre paresseusement aux pieds du village, Magan eut l’idée d’aller y pêcher quelques poissons pour se ravitailler … et se détendre !

Le calme plat du lac parvint à soulager Magan quelque peu. Il s’assit à terre, sur une touffe d’herbe épaisse et sortit sa canne à pêche de son sac à dos. Etant de nature ingénieuse, il avait travaillé sa canne à pêche pour que celle-ci puisse rentrer entièrement dans son sac et puisse également s’allonger suffisamment une fois en dehors.
En prenant une bouffée d’air fraîche remontante du lac, Magan sentit enfin son esprit s’apaiser. Il lança son hameçon au loin et attendit patiemment en tenant l’autre extrémité de la canne à pêche. Seul le ronronnement de la cascade venait perturber ce moment de paix mais Magan considérait que cela faisait partie du décor et s’en souciait fort peu.
« PLOUF ! ». Un poisson qui saute hors de l’eau ? L’attention de Magan se dirigea vers l’endroit d’où provenait le son. A la surface, quelques ronds mais le poisson semblait être reparti dans les profondeurs.
« Plus pour longemps, mon mignon… mon hameçon est juste à côté ! ».
« PLOUF ! »
-          Mais qu’est ce que … ?
Magan arrêta net sa phrase lorsqu’il aperçut avec horreur d’où provenait en réalité ces « ploufs » : Xyla était assise un peu plus loin, en hauteur et jetait des cailloux dans l’eau.
-          Arrête ça tout de suite, tu fais fuir mon poisson ! hurla Magan à la taurène.
-          Mais ils ont faim ! répondit Xyla dans un autre « plouf ! ».
-          Les poissons ne mangent pas de cailloux ! Fous-le camp maintenant !
Magan se dressa et chassa de la main la taurène qui venait de jeter un dernier caillou à l’eau. Un caillou très brillant, tout en or…
-          J’ai fini de leur donner tous leurs flocons de toute façon !
Le réprouvé resta longtemps muet face à ce qu’il venait de voir ; ses dernières pièces d’or venaient de couler dans le fond du lac…
Malgré son sang qui bouillonnait, il tâcha de se ressaisir car la pêche était son dernier recours pour manger aujourd’hui. Xyla avait finit de faire des remous à présent, il n’y avait pas de raison que ça lui échoue comme le reste. Il relança donc son hameçon un peu plus loin et se rassit en se concentrant sur sa pêche.

-          Quand les feuilles tombent en Mulgore
Le sol est recouvert d’or
Et la lune nous berce doucement.
Les taurens quittent lentement
Leur foyer, leur logis,
Pour se rendre aux Rocher Rouge
Car c’est ici que naît la Vie,
C’est pour elle qu’on bouge.

Dans un bruit terrible, tous les poissons du lac semblèrent fuir la source de ce vacarme que produisait la taurène. De grands remous narguèrent Magan, comme pour lui montrer tous les poissons qu’il ne pourrait surement jamais attraper !
L’énervement était allé trop loin et Magan se leva d’un bond, brisa sa canne à pêche et la jeta dans le lac. Il regagna ensuite le camp Mojache d’un pas raide et excédé. Xyla quant à elle resta assise à observer la scène, sans comprendre la réaction de Magan. Son regard se posa ensuite sur la canne à pêche qui était en train de couler lentement.

Le soir tombait sur le camp Mojache et Magan n’avait encore rien avalé de la journée. Son estomac le torturait cruellement mais il avait perdu tout espoir de se procurer de la nourriture tant que la taurène rôderait dans les parages. En observant les flammes du feu qui crépitait près du pont, il se massait doucement le ventre, perdu dans ses pensées. Une lourde main se posa sur son épaule. Magan ferma les yeux et inspira profondément car il venait de reconnaître la main de Xyla. Mais avant qu’il n’ait eu le temps de prononcer un mot, la taurène, dans un grand sourire, lui tendit sa canne à pêche rafistolée. Magan la prit silencieusement et observa le travail de Xyla. Sa canne à pêche était certes plus bricolée qu’autre chose et ne tiendrait pas le coup bien longtemps mais cette attention qu’elle avait eue envers lui le troubla particulièrement. Du bout des doigts, il caressa le bois blessé de sa canne à pêche et c’était comme s’il caressait ses propres blessures. Son cœur se serra. « Kizha … ».
Magan releva les yeux et observa Xyla qui venait de sortir quatre poissons frais de son sac.
-          Je les ai pêché pour nous deux, on pourra manger ensemble ce soir ! dit-elle à Magan en lui exprimant un sourire de contentement.

L’odeur du poisson grillé fit rapidement saliver le réprouvé qui se rua sur sa nourriture dès que celle-ci lui fut tendue. La sensation de satiété le soulagea rapidement et il se sentit se détendre. Xyla l’observait d’un air amusé. Elle était satisfaite de voir qu’elle ne s’était pas trompée : derrière ces cicatrices, cet œil noir et ces mots froids se cachait un reste de vie que Magan avait tendance à oublier.
-          D’où tu viens ? demanda Xyla, dans son élan de curiosité.
-          De loin, répondit brièvement Magan.
Malgré l’atmosphère encourageante, il avait tout simplement horreur qu’on lui pose des questions, il avait horreur de devoir penser à ce qui était passé, à ce qui était derrière lui. Et d’où il venait, c’était déjà loin derrière lui. A présent, seuls l’argent et ce qui était devant lui comptaient.
-          Moi je viens de Mulgore. C’est la terre des taurens !
Le réprouvé observa Xyla silencieusement.
-          Et tu fais quoi ici ? insista la taurène.
-          Mon travail.
-          C’est quoi ton … travail ?
-          Disons que je remplis des contrats.
-          Des contrats ? Quoi est-ce ?
-          C’est quand on te demande de … hum ! de faire quelque chose en échange de pièces d’or. Tu sais, des pièces d’or comme celles que tu as jetées dans le lac ! conclut Magan avec amertume.
-          Oooooooh !
Xyla parut aussi fascinée par les explications de Magan qu’elle l’était par le crayon bleu de Vangelis. Elle finit son dernier poisson en repassant chaque mot du réprouvé dans sa tête. Magan fut soulagé d’avoir mis fin à l’interrogatoire de la taurène. Il s’installa un peu plus confortablement pour digérer son poisson.
-          Tu as une famille ? demanda Xyla sans aucun tact.
Magan grinça des dents à ces mots. Il se redressa pour rapprocher son visage de celui de la taurène. A la lueur des flammes, ses cicatrices semblaient bien plus impressionnantes et son œil reflétait l’entièreté du feu qui brûlait à côté d’eux. Xyla eut un mouvement de recul.
-          Non, articula lentement Magan.
Le réprouvé se leva ensuite pour regagner sa chambre à l’auberge, en laissant Xyla derrière lui.

* * *

Dans son lit bien chaud à l’étage de l’auberge du camp Mojache, Magan était plongé dans un sommeil profond. Le jour se levait à peine sur Féralas et seuls les oiseaux osaient se faire entendre discrètement, ce qui berçait d’autant plus le réprouvé. Ce doux bercement devint bien rapidement une tempête en mer arrimée à de grands cris.
-          DEBOUT MAGAN ! C’EST L’HEURE DE SE LEVER !
Magan tomba hors de son lit et vit avec horreur qu’il était plongé en plein cauchemar.
-          Qu’est ce que tu fous dans ma chambre, Xyla ?
Xyla se redressa fièrement et, dans un grand sourire satisfait, montra à Magan la minuscule fenêtre qui donnait sur le campement.
-          Je suis rentrée par là ! Ca m’a pris toute la nuit !
Magan cligna des yeux plusieurs fois et essaya de faire passer mentalement l’immense taurène qu’était Xyla dans la ridicule fenêtre qui donnait une ouverture sur sa chambre.
-          C’est pas possible … Je vais faire quoi moi ? s’apitoya le réprouvé.
En s’asseyant sur son lit, il tenta de chasser la taurène de son esprit et rassembla ses pensées. « Il faudrait que je trouve une solution pour la tenir loin de moi, du moins jusqu’à ce que je l’ai trouvé ». Un éclair passa soudain dans le regard du réprouvé.
-          Xyla ? J’ai un contrat pour toi…
La taurène s’approcha curieusement de Magan.
-          Voilà, c’est assez simple : dans cette forêt se trouve un œuf merveilleux ! Un œuf tellement beau que tu n’oserais pas en rêver. Trouve cet œuf et rapporte-le ici. Je te donnerai de l’or si tu réussis. Mais ne rentre pas tant que tu ne l’as pas trouvé sinon les conséquences seraient terribles !
-          Pourquoi ? demanda curieusement Xyla.
-          Pas de question pour les contrats ! C’est comme ça, on exécute. Vas-y maintenant.
Dans un bruit terrible, Xyla dévala les escaliers de l’auberge, traversa le camp Mojache et s’enfonça dans la forêt. Magan n’en croyait pas ses yeux. Il venait de réussir à se débarrasser de Xyla et probablement pour toujours. « Aucune chance qu’elle le trouve, ça fait un mois que je le cherche ! »

La journée prit un goût de légèreté et de liberté à laquelle Magan n’avait plus goûté depuis longtemps. Il commença en douceur, par quelques vols à la tire – histoire de regonfler sa bourse –, poursuivit par un repas copieux  à l’auberge et acheva la matinée au bord du lac, à se reposer dans l’herbe.
A l’approche de midi, Magan était étendu, les pieds dans l’eau et les yeux fermés. Il profitait de la chaleur de la journée et du seul bruit de la nature autour de lui, surtout rien d’autre ! Surtout pas Xyla !
Une ombre se déversa sur lui et Magan ouvrit l’œil. A contre-jour, il ne pouvait que discerner une silhouette qui se penchait sur lui. Il roula sur le côté pour prendre du recul et mieux discerner cette personne qui était venue à sa rencontre. La lumière l’avait ébloui et il mit plusieurs secondes avant de voir nettement.
-          Je t’avais dit de ne pas revenir tant que tu ne l’aurais pas trouvé ! aboya-t-il à Xyla qui se tenait devant lui.
-          Mais je l’ai trouvé, répondit-elle en brandissant un œuf magnifique devant elle.
La coque semblait aussi douce que du velours et aussi dure que de l’acier. L’œuf avait la taille d’un bon rocher mais Xyla semblait le porter sans problème, aussi ne devait-il pas peser son poids. La lumière du jour semblait couler sur sa rondeur lisse. Aucun doute, c’était bien l’œuf que Magan recherchait depuis si longtemps. Il n’en croyait pas ses yeux. L’œuf était enfin en sa possession… enfin, presque en sa possession.
-          Donne-le moi ! dit Magan en tendant les bras.
-          Non !
Xyla serra l’œuf contre elle.
-          Paye-moi ! rétorqua la taurène.
-          Te payer ? Donne-moi d’abord cet œuf !
-          Pourquoi ?
-          Parce que tu as été le chercher pour moi, idiote !
-          Non, tu m’as demandé de trouver l’œuf et de le rapporter. Je l’ai fait. Maintenant, paye-moi !
Magan réfléchit un instant. S’il était vrai qu’il avait l’habitude de remplir des contrats, c’était bien la première fois qu’il en donnait un… Et il se mordait déjà les lèvres d’avoir manqué de précisions.
Xyla se tenait de toute sa grandeur devant lui, serrant l’œuf contre elle d’une main et tendant l’autre dans l’attente de sa récompense. Dans un dernier espoir, Magan tenta le tout pour le tout.
-          Ecoute, je veux bien te payer si tu m’échanges l’œuf. Je te payerai même un peu plus !
-          Non ! Il lui faut une maman et du lait.
-          Du lait … ? Mais ce n’est qu’un œuf !
-          Oui mais tu ne fais pas de lait, toi !
-          Il n’en a pas besoin !
Magan commençait à sentir son sang se remettre à circuler mais il tentait de garder son calme pour persuader la taurène de lui rendre l’œuf.
-          Très bien, tu n’as qu’à t’occuper de cet œuf mais ne viens pas pleurer s’il meurt ! rusa-t-il en faisant mine de repartir vers le campement.
Il fit trois pas et se trouva suffisamment à proximité de Xyla pour se jeter sur la elle et agripper l’œuf à deux mains. La taurène poussa un cri aigu et serra l’œuf avec une force qui aurait dû briser n’importe quelle coquille normale. Mais celle-ci resta intacte et dans un mouvement brusque de la taurène, Magan, qui ne s’était pas suffisamment accroché à l’autre extrémité de l’œuf, se vit valser dans le lac.
-          Tu ne serais pas une bonne mère ! hurla Xyla avant de s’éloigner.

« Saleté de taurène ! J’aurai mon œuf, c’est pas toi qui feras la loi. Tu vas voir de quoi je suis capable ». Magan avait ruminé pendant de longues heures son amère défaite. Il était resté dans le lac, là où il avait chuté. Au bout de seulement quelques minutes, la plupart des grenouilles l’avaient trouvé familier et s’étaient rassemblées autour du réprouvé, lui coassant des douceurs.

La nuit tombée, Magan se sentit bien mieux dans son élément pour œuvrer. Chance pour lui, Xyla avait pris l’habitude de dormir dehors, près du feu qui bordait le pont. Il se fondit dans l’ombre bien avant son approche et avança silencieusement vers sa cible. La taurène était étendue sur le dos et serrait l’œuf contre sa poitrine. Elle semblait plongée dans un sommeil lourd. Magan profita de l’ouverture pour enjamber la taurène et agripper l’œuf. Il mit le pied sur quelque chose de flasque et reçut un puissant jet de lait dans la figure.
-          C’est quoi ce bordel ? dit-il pour lui-même en regardant sur quoi il avait marché.
Sous son pied, le pis de Xyla déversait encore quelques bribes de lait. La taurène marmonna quelque chose dans son sommeil et se tourna sur le côté, cachant à présent complètement l’œuf.
« Et merde ! ». Magan s’éloigna le temps de réfléchir. Il essuya le lait qui l’avait entièrement recouvert et calcula les manœuvres à faire pour dégager l’œuf.
Près de Xyla, un petit grincement mécanique se fit entendre. Une petite boîte carrée située aux pieds de la taurène remua plusieurs fois avant de réussir à faire sortir ses bras, ses jambes et sa tête. Kolzy avait été réveillé par le bruit. Le petit robot scruta les alentours pour trouver la source de ce qui l’avait réveillé. Il vit bien vite l’immense flaque de lait que Xyla avait répandue à terre. Sur ses gardes, Kolzy fit mine de se remettre en bloc, gardant malgré tout un capteur à l’extérieur. Et il eut la surprise de voir sortir Magan de l’obscurité. Ce dernier n’avait pas un air rassurant et il semblait vouloir du mal à Xyla. En voyant le réprouvé sortir une dague, Kolzy réagit immédiatement en envoyant une décharge électrique dans la jambe du réprouvé qui hurla de douleur et s’encourut à nouveau. Le petit robot entreprit alors de protéger sa tendre Xyla jusqu’à son réveil et il mit tout en œuvre pour que Magan ne puisse plus l’approcher.
A son réveil, Xyla caressa avec tendresse son œuf qu’elle avait gardé au chaud toute la nuit. Kolzy vint également poser une pince sur la coquille pour lui dire bonjour.
- On va aller lui faire faire une promenade, d’accord Kolzy ? annonça Xyla en posant l’œuf dans une cape en cuir qu’elle attacha contre son ventre.
Elle se leva de sa couche et se mit en marche en direction de la forêt. Mais avant même de passer le pont, elle remarqua que quelque chose pendait à la branche d’un arbre situé à quelques mètres de l’endroit où elle avait dormi.
-          Magan ? demanda timidement Xyla.
Le réprouvé était couvert d’huile, de suie, de farine et autres fantaisies et basculait lamentablement à une branche, attaché par le pied gauche.
Kolzy regarda le réprouvé avec satisfaction.
-          Fais-moi descendre, ordonna-t-il froidement.
-          Tu joues à chat perché ?
-          Fais-moi descendre !
Xyla détacha la corde et Magan s’effondra à ses sabots. Il se releva vivement, donna un grand coup de pied dans le petit robot qui ne s’était pas méfié et sortit une dague pour menacer Xyla.
-          L’œuf ! ordonna-t-il.
-          Qu’est ce que vous faites vous deux ?
La vieille guérisseuse venait de sortir de nulle part et se tenait derrière Magan qui tenta de rattraper le coup au mieux.
-          Tu vois, Xyla, il ne faut jamais utiliser une dague car ça coupe et tu pourrais te blesser ! Hum !
La guérisseuse jeta un regard suspicieux au réprouvé et prit Xyla par le bras.
-          Ton amie est guérie. Vous allez pouvoir vous remettre en route. Tu peux aller la voir à présent !
Xyla bondit de joie et se précipita à l’auberge.

Lavinis se tenait sur le bord du lit. Elle venait de finir de s’habiller lorsqu’elle vit entrer Xyla, les larmes aux yeux. La taurène se jeta sur Lavinis pour la serrer contre elle.
-          Tu m’as manquée ! dit-elle entre deux sanglots.
-          Oui, toi aussi tu m’as manquée.
Lavinis était aussi émue mais retenait ses larmes. Il lui était alors difficile d’articuler ses mots sans avoir mal à la gorge.
-          Viens, je vais te présenter à un ami. Il s’appelle Magan.
Lavinis suivit Xyla jusqu’à l’arbre où cette dernière avait quitté Magan. Mais il ne restait plus que la corde à terre et le réprouvé semblait s’être volatilisé. Un peu plus loin, quelques boulons, une large tache d’huile et ce qu’il restait de Kolzy gisait au sol. Xyla poussa un cri déchirant en se précipitant sur son robot.
-          Kolzy … Kolzy …
Le cœur serré, Lavinis s’approcha de son amie et posa une main sur son épaule.
-          On peut peut-être le réparer ? dit-elle à Xyla, en espérant calmer ses larmes.
-          Qui pourrait le réparer ? parvint à articuler Xyla.
-          Les gobelins. Il y a une ville toute entière où il n’y a que des gobelins et plein d’ingénieurs. Je suis sure qu’ils pourront réparer Kolzy, ne t’en fais pas.
Lavinis ramassa délicatement Kolzy et le rangea soigneusement dans une sacoche en attendant d’arriver chez les gobelins. Elle releva également Xyla qui mugissait tristement en mélangeant ses larmes à l’huile de Kolzy répandue à terre.
-          Viens, Xyla, on y va. Le chemin va être long.