27/09/2010

Trouver un Maître druide

Trouver un Maître druide


Après cinq jours de voyage, Vangelis, Ikhé et Xyla débouchèrent finalement dans une clairière qui respirait la magie. Vangelis sortit sa carte en toute hâte, ainsi que des crayons de couleur.
-          Je ne connaissais pas du tout cet endroit ! dit-elle en commençant à esquisser les reliefs du paysage qu’elle embrassait depuis son point de vue. « Ce monde cache vraiment de curieuses choses » ajouta-t-elle en dessinant une étendue d’eau bleue sur sa carte.
Xyla l’observait fascinée. Elle s’approchait de la carte de Vangelis au rythme des coloriages de celle-ci. Quand elle ne fut plus qu’à quelques centimètres et que sa respiration devint gênante pour Vangelis, cette dernière se décida enfin à accorder quelques minutes à la petite druidesse.
-          Tu vois, ça, c’est un crayon bleu ! lui expliqua Vangelis, en tendant son crayon vers Xyla. Elle remarqua à quel point la jeune taurène semblait passionnée par ce petit bout de bois. « C’est un crayon magique ! Parce que je suis une grande taurène avec de grands pouvoirs ! Et je peux créer la couleur avec un simple bout de bois, vois-tu ? ». Et elle acheva le lac sur sa carte pour illustrer ce qu’elle venait de dire.
Ikhé qui observait la scène leva les yeux au ciel en trouvant sa maîtresse plus pathétique que jamais. Il soupira aussi bruyamment qu’il le pu afin de faire comprendre à Vangelis son point de vue.
Mais Vangelis l’ignora et se contenta de continuer à hypnotiser Xyla, se plaisant de ce sentiment de toute-puissance qu’elle puisait abondamment dans les yeux émerveillés de la druidesse qui buvait ses paroles avec un grand sourire béat.
-          D’ailleurs, je t’aime bien, petite Xyla. Et si tu es sage et que tu apprends bien tes leçons avec ton Maître, je t’offrirai mon crayon bleu magique ! finalisa Vangelis, ce qui eut pour effet sur Xyla une réaction hystérique.
La druidesse se mit à courir dans tous les sens en chantant une chanson dont les paroles et l’air restaient méconnaissables et firent penser à Vangelis qu’elle devrait bientôt huiler quelques rouages de ses vieilles inventions.
Dans un sourire tendu, elle prit Xyla par sa grosse patte velue et la traîna tant bien que mal vers le petit village situé au bord du lac.
Après avoir tiré la druidesse en transe sur tout le chemin, Vangelis arriva finalement à une sorte de portail gardé par une créature aussi étrange que le paysage qui se dressait dans la clairière. L’être était un croisement entre un cerf, probablement aussi un elfe de la nuit et ses doigts ressemblaient à de fines branches délicates. Il se pencha sur Vangelis et Ikhé, l’œil vif et intelligent et prit la parole, sur un ton grave et puissant qui faisait penser à une immense chute d’eau :
-          Qui êtes-vous, voyageurs ? Vous ne semblez pas être des druides et sachez que tout être n’ayant pas reçu le don de la Nature n’a que faire ici. Vous êtes priés de quitter les lieux immédiatement. Vous n’êtes pas les bienvenus !
Vangelis avala péniblement sa salive et prit à son tour à la parole, sur un ton mal assuré et aigu, faisant penser à un animal piégé qui hurlerait ses derniers instants :
-          Salutations … monsieur, si je puis me permettre de vous nommer ainsi …
La créature l’observa silencieusement.
-          Hum ! Faut dire que c’est pas facile non plus, t’es un croisement entre un arbre, un cerf et un elfe alors, je ne sais plus quoi dire moi et puis, je ne cause pas aux arbres, d’habitude !
Elle éclata d’un rire crispé qui alla s’écraser sur le silence glacé de la créature qui avait à présent croisé les bras en guise d’impatience.
Ikhé s’empressa de prendre la parole avant que sa maîtresse n’en dise plus.
-          Salutations. Je suis Ikhé, loup dévoué de la chasseresse Vangelis. Nous ne sommes pas druides, en effet mais nous sommes ici pour accompagner une jeune druidesses perdue et orpheline qui a des talents plus qu’évidents et qui pourrait promettre de grandes choses, à conditions que nous lui trouvions un Maître digne de ce nom. Et je sais que seul cet endroit pourrait nous faire apparaître une telle personne !
Après quoi, il s’inclina en marque de respect profond et s’éloigna doucement à reculons, en gardant le museau bas, attendant une décision clémente de la part de la créature.
-          Fort bien ! Je suppose qu’en ces conditions, nous pourrions faire une exception ! Mais votre séjour ici ne peut s’éterniser. Vous devrez partir dès que le Maître aura décidé que la druidesse pourra se débrouiller seule. Montrez-moi donc cette jeune personne talentueuse, ajouta-t-il enthousiaste.
Vangelis et Ikhé échangèrent un regard inquiet puis s’écartèrent tout deux pour présenter Xyla qui avait réussit entre-temps à s’étrangler à moitié en enroulant sa queue autour de son cou. Ikhé s’empressa de la dégager et de la pousser vers la créature qui impressionna tellement Xyla qu’elle poussa un cri d’horreur et une flaque s’étala à ses pieds. Ikhé fit une grimace et en regardant de plus près vit que c’était du lait … Il releva la tête vers Xyla et l’observa d’un air interloqué.
La créature, quant à elle, ne trouvait probablement pas les mots pour qualifier la druidesse. Il restait sur place, les bras ballants et les yeux écarquillés.
Vangelis tira alors Xyla par la patte arrière et lui fit signe de s’éclipser discrètement vers le village.
-          Bien, annonça-t-elle à la créature, on ne va pas vous déranger plus longtemps, la nuit tombe et il nous faut encore trouver l’auberge. Merci pour votre accueil et votre convivialité.
Après quoi, elle s’empressa de s’engouffrer dans la première maison venue avec Ikhé qui lui courrait sur les sabots et Xyla qui tentait de se cacher la tête sous la cape de Vangelis.
Ce fut une elfe de la nuit qui les accueillit en souriant.
« Bienvenue, druidesses et … » son regard se posa sur Ikhé qui se sentit mal à l’aise et fit une grimace. Vangelis s’empressa d’expliquer que c’était son mulet et qu’il portait les vivres et Ikhé ajouta un « Hi-haaaaan » peu convainquant pour appuyer les dires de sa maîtresse.

* * *

Au réveil, Vangelis eut le plaisir de voir que le petit déjeuner leur avait été servi dans la chambre, sur une table ornée d’une belle nappe rouge aux fines broderies dorées. Il y avait une coupe débordante de fruits frais, du pain qui semblait avoir été fait avec des rayons du soleil levant et quelques spécialités des elfes ou des druides peut-être. Ikhé avait également reçu sa part : du foin, de l’avoine et du sel. Il jeta un regard assassin à Vangelis.

Gênée, elle s’assit à la table en tournant le dos à son loup. Elle se délecta d’avance en regardant encore une fois l’ensemble du festin mis à sa disposition. Mais quelque chose manquait à ce décor… Forcément, elle passa en revue tout ce qui se trouvait dans la pièce. Son regard s’illumina soudain. Elle se leva, se dirigea vers son sac et sortit un petit emballage de celui-ci dans lequel se trouvaient trois champignons fantômes. En se rasseyant à table, elle fut à nouveau dérangée par un élément manquant. Elle regarda à nouveau autour d’elle et ses yeux s’arrêtèrent à présent sur sa gourde. Un petit déjeuner sans un peu de rhum ne serait pas un petit déjeuner digne de ce nom ! Elle se leva donc à nouveau pour prendre sa gourde qu’elle avait déposée à veille à côté de sa couche. Puis, en posant la main dessus, son regard s’arrêta sur la couche de Xyla ! Xyla, c’est ça qui manquait depuis son réveil ! Où avait bien pu passer la druidesse ?
-          Les voleurs ! s’écria-t-elle, faisant sursauter Ikhé qui se concentrait pour goûter du steak plutôt que de l’avoine. « Ils ont volé mon expér… euuuh, je veux dire, ils ont volé Xyla ! ».
Elle se rua dans les escaliers de l’auberge pour hurler sur l’elfe qui les avait accueillis la veille. Mais avant que le moindre son n’ait pu sortir, elle entendit la voix de la druidesse dehors, chanter une de ses chansons étranges. Elle bouscula l’elfe qui était restée plantée au milieu de la pièce et sortit en toute hâte pour découvrir où ils retenaient la pauvre druidesse prisonnière. Naïve comme elle était, ils lui auraient fait croire que c’était un jeu et elle l’aurait cru ! Tout en courant, Vangelis nota sur un bout de papier l’idée qui venait de lui passer par la tête et elle se dit de la réitérer si elle retrouvait la druidesse. Elle arriva finalement sur un petit pont où elle tomba nez à nez avec une jeune taurène toute blanche, vêtue d’étoffes délicates. La petite taurène regarda Vangelis en souriant. Elle avait le crin épais et avait tâché de le dompter en deux petites tresses qui lui tombaient sur les épaules. Au bout de sa corne droite était attaché un bout de ficelle qui était relié à un hameçon lancé dans la petite rivière qui coulait sous les deux taurènes.
-          Dis-moi, petite, tu n’aurais pas vu un gros ours bizarre avec une crinière et des sabots qui chantait des chansons sur un air de mécabécane ? demanda Vangelis à la petite taurène qui l’observait toujours en souriant.
Elle lui répondit d’un signe négatif de la tête et se replongea dans sa pêche, en faisant des mouvements de tête désaccordés, afin de sentir si le fil était tendu.

Vangelis continua son chemin, trouvant malgré tout à la petite taurène blanche un air familier. En songeant à l’endroit où elle aurait déjà pu avoir rencontré cette cadette, elle fit distraitement le tour du village, oubliant déjà ce pourquoi elle était partie en toute hâte. Ce fut finalement son estomac qui la ramena à la réalité en lui rappelant qu’elle n’avait pas encore profité du festin laissé dans la chambre de l’auberge.
En remontant lourdement les marches qui menaient à l’étage de l’auberge et à sa chambre, elle se rappela finalement de la disparition de Xyla mais sa faim prit le dessus et elle repoussa ses recherches à plus tard. En poussant la porte de la chambre, elle constata qu’Ikhé s’était permis de s’installer sur la couche de la pauvre petite druidesse portée disparue. Puis, en observant plus attentivement, elle remarqua que la couverture sur laquelle le loup prenait ses aises semblait plus rembourrée qu’à l’habitude. Elle s’avança d’un pas énervé vers Ikhé, le chassa nerveusement de la couche et frappa un grand coup pour aplatir la couverture qui hurla de douleur.
Vangelis reconnu immédiatement et avec soulagement la voix de Xyla. Elle se tourna vers Ikhé, avec un grand sourire :
-          Elle n’avait pas été enlevée, elle s’était juste cachée ! annonça-t-elle plus pour elle-même que pour partager la bonne nouvelle.
Enfin, elle souleva la couverture pour retrouver sa petite druidesse mais y trouva la taurène blanche qu’elle avait croisée sur le pont, un peu plus tôt. Elle observa l’inconnue qui s’était à présent levée du lit, avait remis le drap sur elle et se promenait dans la pièce à la manière d’un fantôme en poussant des cris étranges, bien plus effrayants que ceux que peuvent émettre les véritables mort-vivants. Dans un frisson, Vangelis revint à ses idées mais ne parvenait toujours pas à comprendre ce que cette taurène pouvait bien faire dans sa chambre et surtout, où avait bien pu passer Xyla ?
La bouche entre-ouverte depuis le début de sa cogitation, elle se tourna vers Ikhé, l’air bête. Le loup qui avait pris l’habitude depuis toutes ces années, lui apporta une réponse à la question prononcée par le silence et l’air abruti de Vangelis :
-          C’est Xyla, tu ne la reconnais pas ? Le Maître lui a montré comment reprendre sa forme taurène ce matin. Et apparemment, elle est très douée et dotée d’une intelligence vive !
Pour appuyer ses dires, il se tourna vers Xyla qui venait de rencontrer un miroir et se cachait sous le lit en hurlant de peur. Devant le miroir, le drap – coupable du crime – trempait dans une large flaque de lait.
Ikhé ne trouva rien à ajouter et Vangelis non plus d’ailleurs. Tout deux restaient sidérés par la scène.
Finalement, Ikhé trouva les mots pour demander à Vangelis s’ils ne pouvaient pas abandonner Xyla dès aujourd’hui et laisser les druides, êtres armés de sagesse, de bonté et de patience – surtout de patience – faire son éducation et son apprentissage.